Bonjour,
A mon avis, les deux monnaies de
Proculus (des imitations radiées), celle de la vente Aufhäuser 8 (1991), 640 et celle trouvée le 7 novembre 2012 par des détectoristes près de Stamford Bridge (GB, East Yorkshire) sont authentiques. Elles sont issues des mêmes coins, mais sont frappées centrées de façon différente sur leurs flans respectifs (flans de forme différente, des détails nouveaux sur la 2e par rapport à la 1re) qui exclut qu'il s'agisse des monnaies coulées/moulées par des faussaires modernes.
J'ai par ailleurs longuement examiné la 1re apparue (maintenant à la Münzsammlung de Munich) et son authenticité me paraît hors de doute.
J'ai présenté en 2011 au Colloque sur l'Histoire Auguste une étude "Probus et les tyrans minuscules
Proculus et Bonosus. Que dit la monnaie ?" qui vient d'être enfin publiée fin 2014. Elle est téléchargeable sous cette adresse :
https://www.dropbox.com/s/h0m0csfx61748p9/HA%20Nancy_%20ESTIOT-PROBUS%20ET%20LES%20TYRANS%20MINUSCULES.pdf?dl=0J'y examine les attestations de monnaies de
Proculus et Bonosus dans la littérature numismatique depuis le XVIe siècle et leur rapporte ce que j'ai trouvé des "frappes" des deux usurpateurs au sein des cabinets numismatiques internationaux que j'ai visités.
(Pour ces deux imitations radiées, voir p. 224-226 + Post-scripta p. 239-240)
Hors ces deux imitations radiées de même coin au nom de Proculus, il n'existe aucune monnaie officielle de Proculus ou de Bonosus. Mais elles posent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent, car sont-elles des imitations d'une monnaie officielle ayant existé (de l'atelier de Lyon ?, car le buste du droit fait penser aux frappes lyonnaises), ou
Proculus n'a-t-il eu la main au moment de son usurpation que sur un atelier gaulois produisant des imitations radiées, un atelier comme il y en eut des dizaines sous le règne de Probus ?
Les historiens de langue grecque ne connaissent pas
Proculus et Bonosus ; les abréviateurs latins (Aurélius Victor, Eutrope,
Epitomè) se transmettent une courte notice citant les usurpations de
Proculus et Bonosus à Cologne (ou réprimées par Probus à Cologne), tirée d'un texte historique, l'EKG, qui a disparu. L'auteur de l'Histoire Auguste ne sait rien sur eux, ce qui ne l'empêche pas de leur inventer une vie imaginaire dans le
Quadrige des tyrans.
Le seul témoignage parallèle, et qui remet les deux usurpateurs à leur place anecdotique, est celui des monnaies et plus particulièrement celui des frappes de Probus, l'empereur sous lequel les deux usurpations se sont produites.
1) L'étude du rythme de la frappe monétaire en 281 de n. è. à travers les trésors montre l'effort de guerre énorme consenti par Probus pour une campagne germanique, sans doute contre les Alamans. Leur invasion du territoire impérial est probablement la cause première des usurpations de
Proculus et Bonosus, définis comme des
duces (des généraux) par l'Histoire Auguste. L'HA particulièrement définit Bonosus comme
dux limitis Raetici (la Rhétie correspond grosso modo à la Suisse actuelle) et son poste suivant pourrait avoir été celui de gouverneur de Germanie inférieure au moment où, nous dit l'HA, les envahisseurs germaniques brûlèrent la flottille du Rhin, basée à Cologne, capitale de Germanie inférieure : il usurpa le pouvoir par crainte de la fureur de Probus.
2) La campagne germanique de Probus de 281 de n. è., victorieuse contre les Alamans et les deux usurpateurs, se conclut par un
donativum impressionnant, une libéralité aux soldats frappée par l'atelier de Ticinum, que j'ai essayé de reconstituer : en témoigne un multiple d'or inédit et spectaculaire de Probus, des "deniers" et des "quinaires" (frappés sur des coins d'abord prévus pour la frappe d'aurei et de quinaires d'or).
Du côté de l'épigraphie, deux belles inscriptions (Augsbourg, Ostie) témoignent aussi de cette campagne germanique de Probus de 281 de n. è.
L'historicité des usurpations de
Proculus et Bonosus est incontestable, ce qui n'est pas le cas des monnaies à leur nom (sauf les 2 imitations radiées discutées ici) : dès la Renaissance, des faussaires - mais la notion de faux n'était pas la même qu'aujourd'hui - ont essayé de donner un visage aux personnages inventés par l'Histoire Auguste, à destination des cabinets numismatiques des riches amateurs.
Sylviane Estiot