Une scénographie de revers peu courante dans la riche iconographie monétaire des revers des monnaies romaines du IIIe siècle parait particulièrement intéressante quant à son origine et son sens. Elle glorifie la virtus militaire de l’Empereur et plus globalement de l’Empire romain : La victoire se tient debout sur un globe et n’est pas sans rappeler la victoriola, tenue par l’Empereur sur certains bustes exceptionnels. Cette victoire, tournée vers la droite ou la gauche, porte une palme sur l’épaule (attribut introduit comme récompense lors des jeux de Rome en 293av. J.-C.) et tient dans sa main une couronne de laurier (attribut du triomphe de tradition ancienne à Rome). Quelquefois la scène se trouve flanquée de deux captifs assis, mains liées dans le dos.
Un tel lyrisme iconographique exprimé au revers des auréliani d’émissions de donativum, célèbre presque toujours une victoire militaire sur l’ennemi, un triomphe qui honore l’Empereur.
L’origine est sans conteste grecque : après la bataille d’Actium, on dédia beaucoup de statues à la victoire. La numismatique augustéenne en reproduit quelques-unes, tenant une palme et une couronne, debout sur une proue de navire, tenant un vexillum militaire et une couronne ou bien encore debout sur un globe, tenant un bouclier rond posé sur un cippe. Mais la plus célèbre fut celle qu’Auguste consacra dans la Curie en 20 ; c’était une victoire s’élançant d’un globe, offrant de la main droite une couronne et portant un trophée. Elle provenait de Tarente, ou Pyrrhus l’avait fait ériger pour commémorer son succès d’Héraclée. Auguste se contenta de flanquer le globe de deux capricornes. La représentation de la victoire impériale romaine est généralement plus solennelle que la Niké des rois hellénistiques. Ses formes sont plus alourdies. Mais l’Empire ne semble pas avoir créé aucuns types nouveaux. Les innombrables figurines de bronze qui proviennent des laraires ou privés et qui pour la plupart, représentent la déesse debout sur un globe palme et couronne en main, ne témoignent d’aucune invention et répètent presque toujours sans le moindre souci d’art, un type usuel, d’origine grecque. Leur symbolisme les désignait pour figurer sur les monuments publics, sur tous ceux qui ont un caractère militaire ou triomphal.
A juste titre, Carus et Carin ont émis quelques monnaies pour célébrer leurs victoires sur lesquelles la gravure détaillée de cette personnification est tout à fait séduisante. En voici quelques exemples :
Carus, Lyon, 3e émission (Nov 282 – fin 282) , 1e officine, Bastien: 474 (11 ex.)
A/IMP C M AVR CARVS AVG, buste C.
R/ VICTORIA AVGG/A/-//-, La victoire debout à gauche sur un globe, tenant une palme et une couronne. Ases pieds, 2 captifs assis mains liées dans le dos.
Carus, Lyon, 3e emission, (Nov 282 – fin 282), 1e officine, Bastien: 475 (16 ex.)
A/VIRTVS CARI AVG, buste E.
R/ VICTORIA AVGG/A/-//-, La victoire debout à gauche sur un globe, tenant une palme et une couronne. Ases pieds, 2 captifs assis mains liées dans le dos.
Carus, 4e emission (283), 1e officine, Bastien: 502 (46 ex.)
A/IMP C M AVR CARVS AVG, buste B
R/ VICTORIA AVGG/A/-//-, La victoire debout à gauche sur un globe, tenant une palme et une couronne. Ases pieds, 2 captifs assis mains liées dans le dos.
Carin, 6e emission (aout 283 - début 284), 1e officine, Bastien : 535 (2 ex.)
A/ IMP C M AVR CARINVS AVG, Buste A
R/ VICTORIA AVGG/-/A//-, La Victoire à droite, debout sur un globe, tenant une couronne et une palme.