Mon expérience des fausses monnaies grecques

L’idée de cette discussion pédagogique sans prétention est de partager mon expérience concernant la détection de fausses monnaies grecques.

Je me limiterais aux monnaies grecques en argent de la période classique ce qui exclut les monnaies en or et en bronze dont l’analyse est beaucoup plus délicate. J’exclus également pour l’instant les monnaies de la période hellénistiques (après Alexandre le grand). J’ai curieusement constaté que mes observations se retrouvent davantage sur les quelques deniers romains que je possède que sur les monnaies grecques tardives.

Je ne parlerais et n’illustrerait que des monnaies (vraies et fausses) que je possède ou que j’ai pu observer en main avec une loupe étant entendu qu’il est rarement possible de porter un jugement "définitif" à partir d’une simple photo.

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Les faux sont obtenus soit par moulage (casting) soit sont frappés à partir de coins modernes qui sont soit obtenus par transfert à partir de monnaies authentiques, soit sont gravés par un artiste moderne (cas des faux de Becker par exemple).

Je ne vais pas parler des méthodes de moulage que je n’ai jamais expérimenté. On trouve pas mal d’infos sur internet et même "des tuto" sur YouTube (cire perdue, galvanoplastie…) Bien sûr la qualité du moulage est plus ou moins bonne, les meilleurs résultats étant visiblement obtenus par l’utilisation de centrifugeuses.

1) Les monnaies frappées ou pressées

Les monnaies dites « frappées » sont en réalité le plus souvent « pressées ». Les monnaies les plus dangereuses sont celles qui sont frappées ou pressées sur des flans de monnaies authentiques de moindre valeur qui sont réutilisés.

Cette monnaie (un tétradrachme de Syracuse) a été frappée ou plus probablement pressée sur un flan authentique.




Le pot aux roses a été découvert en confrontant la monnaie avec un exemplaire authentique, ici de la collection de l’ANS.




Le faux coin est plus large que l’original, un filet circulaire a été ajouté  et, plus drôle, l’ethnique est regravée ΣΥΡΑΚΩΣΙΩΝ ou lieu de ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ   .
J’avais déjà repéré la supercherie sur photo lors de son premier passage dans une vente aux enchères allemande mais elle s’est retrouvée proposée quelques mois plus tard par une fameuse maison de la rue Vivienne ou j’ai pu l’observer à loisir et il faut reconnaitre que l'aspect général de la monnaie est plutôt dangereux en main.

La plupart des monnaies frappées ou pressées le sont cependant sur des flans modernes et le principal travail du faussaire consiste à maquiller la monnaie pour la rendre le plus possible cohérente avec une monnaie antique. Dans cette catégorie, une des monnaies les plus dangereuses que j’ai vu est ce tétradrachme punique que j’ai pu examiner à Munich dans une maison ayant pignon sur rue.




Le faux coin, obtenu par transfert et légèrement retouché, est connu (je vous laisse bosser un peu). Les quelques fissures en périphérie du flan appellent à une certaine prudence mais ne sont pas une preuve en soit. Le traitement de la surface, qui fait penser à une monnaie légèrement cristallisée trop nettoyée, est vraiment bluffant idem pour l’aspect corrodé au revers. Cependant, nous verrons un peu plus loin précisément à quoi ressemble un métal légèrement cristallisé.

Enfin, les formeurs qui fréquentent également le FAC connaissent bien maintenant les fameux coins modernes publiés par DinX
Voici un coin obtenu par transfert sur une litra de Naxos dont les réalisations sont régulièrement proposées sur ebay mais aussi sur quelques ventes. Les flans ont tous la même forme irrégulière et ont tous subi un traitement similaire à l’acide. Monnaie vraiment peu dangereuse en main.






2) Monnaies moulées et galvanoplastie - traitement des flans

Tout d’abord, on lit partout que les monnaies moulées se reconnaissent par des « billes » et des excroissances de métal ou par des trous dus à des bulles d’air enfermées dans le métal en fusion.

Exemple :
Ce tétradrachme de Leontini a tout d’un faux sur la photo de la maison de vente : Le flan est parfaitement circulaire, il y a des billes et des excroissances partout et on sait très bien que les tetradrachmes de Leontini sont parmi les monnaies les plus copiées !






Et sur cette monnaie, on voit vraiment des bulles bien rondes.




Et bien vous l’aurez deviné, ces deux monnaies sont parfaitement authentiques  

Merci de votre attention et rendez-vous au prochain épisode avec tout plein de photos avec mega zoom…

Merci Brennos super post
Mais j’ai pas compris pour Leontini c’est une vraie monnaie mais avec tous les criteres d’une fausse ?

Bravo pour ce debut de série sur l'identification de fausses ou présumées fausses grecques......!!!

(Suite...)

@xaar, oui la monnaie de Leontini est authentique malgré qu’elle puisse paraitre louche de prime abord…

Je reviens juste sur les monnaies frappée/pressées.

Les monnaies pressées peuvent présenter de fines fissures au pourtour du flan.

Prenons par exemple une copie de la célèbre monnaie de Leontini dite « Apollo con capelli bagnati » ref Boehringer 55. Au moins trois faux coins d'avers sont attestés, réalisation du faussaire italien Fichera dans les années 80. Je ne reviens pas sur le sujet, on en a déjà parlé et il y a beaucoup de discussions ailleurs.

Sur cette monnaie particulière, les fissures sont suspectes ainsi que les faiblesses de frappe sur les points hauts qui ne semblent pas cohérente avec la frappe nette sur le pourtour de la tête d’Apollon et du Lion. Si une frappe est molle, elle est molle partout  et qui plus est, il n’y a pas de raison pour que le flan soit éclaté/fissuré. L’examen à la loupe du flan confirme que le métal n’a pas du tout l’aspect d’une monnaie antique frappée. Aspect qu’il est difficile de rendre avec une photo prise à partir d’un téléphone mais bon, je la mets quand même…






Concernant les moulages, il est paradoxalement parfois difficile de savoir si une monnaie est frappée ou moulée. Par exemple ce tétradrachme d’Entella semble frappé sur la première photo alors que la deuxième est moulée. Je précise que je n’ai pas examiné en main la première monnaie mais qu’elle a été retirée par la maison de vente.




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a) Les faux pour touristes.

Je mets dans cette catégorie les faux qui ne tromperaient aucun collectionneur même novice. Ce sont parfois des copies de copies de copies qui ne sont même pas en argent. Comme ce statère de Métaponte pesant 6,70g ou lieu de 7,90g et vite fait camouflé en collant du sable dessus.




Cette autre monnaie, un statère de Thourioi, pèse au contraire 10,75 au lieu de 7,90g. D’après mes recherches, ces copies d’aspect granuleux sont réalisées à partir de moules en sable et argile.



Une fameuse bulle


Les excroissances


no comment




La dernière monnaie de ce type, un statère le Laos pesant 7,3g au lieu de 7,9g, n’est pas inintéressant dans la mesure ou la surface peut vaguement ressembler à une surface authentiquement corrodée.






b) Les monnaies plus sérieuses.

Une caractéristique des monnaies moulées est l’aspect mou des reliefs. Le coté mou provient le plus souvent de l’absence d’arrête sur les reliefs.
Exemple ce tétradrachme de Syracuse pesant 16,92g. Un peu léger mais rien d’aberrent. Monnaie obtenue par électrolyse.




A priori facile à détecter me direz-vous et bien sa petite sœur jumelle était présente dans le catalogue de vente d’une célèbre numismate parisienne à Drouot en fin d’année dernière. Pour l’avoir examinée en main, le flan était à peine mieux maquillé que la mienne.





Le but du jeu consiste à trouver des caractéristiques de frappe (quasi) impossibles à reproduire via une copie. L’une d’elle est la recherche de ce que j’appelle des arêtes ou des lignes nettes entre le flan et le motif. En général à la troncature du cou ou sur les cheveux.

Exemple sur le tétradrachme de Leontini qui présente « des excroissances de métal suspectes » et sur le décadrachme :

la troncature du cou








Ceci est impossible à reproduire par copie. On observe une continuité du métal entre le flan et le motif en relief ce qui est logique par construction.





Pour les cheveux :











Sur les copies.








La suite au prochain épisode ou nous étudierons des faux plus dangereux    

J'ai un peu l'impression d'enfoncer des portes ouvertes mais bon  

(suite)

La présence d’arêtes bien marquées indique donc que la monnaie n’est pas moulée ou obtenue par électroplastie.

Sur une bonne trentaine de faux moulés et d’électrotypes que je possède, j’en relève deux qui pourraient éventuellement tromper.

La première :








Quand on voit la monnaie, il n’y a quand même aucun doute. C’est sensé être un électrotype mais il s’agit plus probablement d’une monnaie obtenue au moyen d’une presse dont le coin a été obtenu par transfert à partir d’un électrotype.






La deuxième, dont je n’ai pas de photo en gros plan, est le tétradrachme d’Entella présenté plus haut. Les arêtes du pourtour du visage sont bien détachées du flan mais pour le coup, les mèches de cheveux sont complètement à l’ouest.

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Il s’avère que je possède un authentique tétradrachme de Messana et un électrotype de mêmes coins. Ceci permet des comparaisons intéressantes. On notera notamment le flan bien rond et régulier de la copie.






J’illustre seulement le phénomène de rétractation du métal sur la copie : Le relief perd en volume.
. Il disparait presque complètement sur les points les plus bas.

C’est bien visible sur le conducteur et Nike.





Ainsi que sur les pattes des mules et les roues du bige.






Je pense que ce phénomène de rétractation du métal participe aussi à l’aspect général « relief mou ».

Je profite de la photo en gros plan de l’authentique monnaie de Messana pour zoomer sur quelques caractéristiques d’un métal frappé il y a plus de 2000 ans qu’il n’est pas possible de reproduire artificiellement.

Je ne suis pas métallurgiste mais je crois qu’il s’agit de concrétions d’oxydes d’argent (n’hésitez pas à me corriger).



Le phénomène de « lèpre » de l’argent (sorte de lamination?).





La cristallisation de l’argent.



Sur la monnaie punique dangereuse vendue à Munich présentée sur mon premier post, les faussaires ont tenté, par un traitement quelconque, de reproduire cette cristallisation sans vraiment y parvenir : Le résultat montre de très petits cristaux qui sont tous de même taille et répartis uniformément sur toute la surface. Ici, on a l'impression d'un chaos organisé

Petite synthèse intermédiaire :
- Si votre monnaie présente des reliefs aux arêtes bien définies comme illustrés sur le post précédent, alors ce n’est pas un moulage ou un électrotype.
- Si le métal présente un aspect similaire aux trois caractéristiques illustrées ci-dessus alors elle est nécessairement authentique.

La suite au prochain épisode  

Teasing : Nous analyserons ce faux statère de Corinthe qui est le plus dangereux de ma collection  

Merci, c'est très intéressant

Merci :) C'est interressant et inquiétant je vais retourner voir quelques monnaies    

Super travail !
Pour les concrétions, il ne peut pas s'agir d'oxyde d'argent Ag2O ni même Ag4O4 qui sont très durs à synthétiser en labo et qui ne se forment pas naturellement. La seule corrosion naturelle qui se produit est la sulfuration. C'est elle qui donne des ton mordorés ou noir si la corrosion est plus marquée par combinaison de l'argent avec le soufre contenu dans l'air ou dans certains matériaux organiques (oeufs, végétaux). On peut donc trouver Ag2S (S pour soufre) à la surface d'une monnaie mais a priori, la couche est toujours super fine est jamais en concrétion. Les concrétions peuvent provenir plutôt de la corrosion du cuivre qui est presque toujours présent en petite quantité en alliage.
Il y a quelques années, j'avais lu que les monnaies en argent ne se ternissaient pas par sulfuration avant le XVIIIe siècle et ce n'est qu'avec l'exploitation massive du charbon depuis le XIXe qu'on a vu les taux de soufre grimper en flèche dans l'air. En effet, le charbon minéral (des mines) contient souvent autour de 0,5% de soufre. Le charbon de bois n'en contient pas.

Super post merci. J'ai hâte de lire la suite.
Si tu peux rajouter une synthèse sur tes points d'attention sur base des photos et vidéos uniquement, ce serait top pour moi. Sinon on en parle en privé (malheuresement on ne peut pas toujours avoir la monnaie en main avant d'acheter)

Merci infiniment pour ce travail sur les fausses monnaies grecques cher Brennos: . Un véritable travail de fourmis agrémenté de superbes photographies.

"l’ethnique est regravée ΣΥΡΑΚΩΣΙΩΝ ou lieu de ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ"

In the transfer dies is  ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ, that the Ο looks a little bit odd is due to striking, here another fake from same transfer dies, and there is an O!

Dans les matrices de transfert, il y a ΣΥΡΑΚΟΣΙΩΝ, le fait que le Ο semble un peu étrange est dû à la frappe, ici un autre faux des mêmes matrices de transfert, et il y a un O !

My French from school is really bad so I will write in English.

Here is another Sicilian transfer die fake showing Agathokles with a recut error.
In the authentic ancient dies was a cycle line (as we can see on authentic coins from same dies) but the forger did not know a cut a dotted border on reverse. Stupid mistake!
The artist always used on the obverse a dotted border and on the reverse a cycle line.

That they are from same reverse die can be proven by the fact that they have the same die flaw (looks like to dots) left to trophy.

I am only aware of 2 of these fakes, 1 in my collection and 1 was sold twice by auction houses.
interestingly the transfer die fake was used as an example for an authentic specimen in the book "Magna Graecian and Sicilian Counterfeit Coins - A Catalogue von Alberto D’Andrea, Gaetano Faranda, Umberto Moruzzi"

Mon français de l’école est vraiment mauvais donc j’écrirai en anglais.

Voici un autre faux coin sicilien montrant Agathokles avec une erreur de recoupage.
Dans les coins authentiques, il y avait une ligne de cycle (comme on peut le voir sur les pièces authentiques des mêmes matrices) mais le faussaire ne le connaissait pas , et a transformé la ligne de bordure en grenetis au revers. Erreur stupide!
L'artiste a toujours utilisé à l'avers une bordure en pointillés et au revers une ligne de cycle.

Qu'ils proviennent du même coin inversé peut être prouvé par le fait qu'ils ont le même défaut de coin (ressemble à des points) laissé au trophée.

Je ne connais que 2 de ces contrefaçons, 1 dans ma collection et 1 a été vendu deux fois par des maisons de ventes.
Il est intéressant de noter que la fausse matrice de transfert a été utilisée comme exemple pour un spécimen authentique dans le livre "Magna Grecian and Sicilian Counterfeit Coins - A Catalogue von Alberto D'Andrea, Gaetano Faranda, Umberto Moruzzi".

In this post the transfer die fakes!
Only Agathokles transfer die fakes in this post.

Link to the one sold at auction

https://www.acsearch.info/search.html?id=1295047

https://www.acsearch.info/search.html?id=1176140

My fake in this post only fake.

In this post only authentic coins from same

https://www.acsearch.info/search.html?id=6133086

https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb41745927c

https://www.acsearch.info/search.html?id=147791

Hello Amentia, thank you very much for your interesting addition.

Super ! Je vais lire ça avec attention, Merci Brennos.

On va voir si j'ai bien suivi et puis c'est dans le thème. Celle-ci est fausse donc?

Mon dieu non !  elle est parfaitement authentique et de plus un très bel exemplaire

OK :)  

J'ai dans mes fichiers de faux celle-ci, ce sont bien les mêmes coins? Ou alors je me suis planté en la rangeant dans les faux?

Celle que tu postes est bien fausse (cf le listel entre autre). C'est un des fameux faux réalisés à partir des coins obtenus par transfert puis retouchés par le faussaire sicilien Fichera.

compare la qualité du métal entre les deux, la différence est quand même flagrante entre un flan moderne et antique.

OK. Oui c'est sûr le métal est plus engageant sur la première que j'ai postée. Merci !