Bonjour à tous.
J’ai retrouvé dans mes archives un texte qui ne date certes pas d’hier mais toutefois très intéressant concernant les monnaies Grecques portant une profonde entaille. Ces monnaies malheureusement enlaidies sont tout de même très intéressantes à collectionner et leur prix reste abordable. Ce texte poussera peut être quelques collectionneurs de romaines à s’intéresser de plus prés au numéraire Grecques.
Il n’est pas d’amateur qui n’ait eu l’occasion de rencontrer de ces monnaies défigurées par une entaille plus ou moins longue, plus ou moins profonde. On a donné diverses explications de ces mutilations. Je n’en veux retenir que deux ; elles sont les plus souvent répétées et généralement les plus admises.
Pour Lenormand, ce sont des monnaies consacrées comme offrande votive, et une fois dédiée, on rendait la pièce impossible à être reçue dans la circulation, en l’oblitérant d’un coup de cisaille qui lui enlevait son caractère légal.
Pour M Babelon, ces entailles, sauf rares exceptions, auraient été ordonnées par les autorités de l’empire Perse, et ce ne serait ni plus ni moins que des contremarques, et les Satrapes qui les auraient fait entailler cherchaient par là à leur donner un cours forcé.
Il est une troisième explication que M Babelon ne veut pas admettre : c’est que ces pièces n’aient été entaillées que pour contrôler le bon aloi et pour se rendre compte de la pureté du métal.
A mon avis, cette dernière théorie est la seul vrai et je vais tâcher d’en donner la preuve la plus convaincante, preuve qui m’a été fournie par un petit trésor que le hasard m’a permis d’acquérir dernièrement.
On sait que l’Egypte, par son voisinage avec la Grèce, par sa position géographique, a été, depuis les temps les plus reculés, le lieu de rendez-vous de tous les navigateurs.
Riche, commerçante, hospitalière, cette contrée a été ouverte au commerce du monde entier et principalement du monde grec. La Grèce y envoyait ses marchands, elle y fondait des colonies. Son numéraire y abondait, et il est probable qu’il fut un moment où son monnayage fut le plus connu, si ce n’est le seul employé dans les transactions.
Athènes surtout, par sa puissance et sa prospérité, y envoyait un grand nombre de ses navigateurs et de ses commerçants, et il a dû arriver un moment où les tétradrachmes athéniens devaient former à eux seuls la monnaie du pays. Par leurs types constants et immuables, par la pureté de leur métal, ces tétradrachmes avaient conquis la confiance du pays et le public les acceptait dans ses échanges en toute sécurité.
Il arrivait cependant que d’autres voyageurs débarquaient portant un numéraire différent ; la défiance s’éveillait alors, et, devant cette monnaie peu courante, sinon inconnue, devant ces types étrangers et nouveaux auxquels il était peu habitué, le public se montrait réfractaire et répugnait à recevoir ce numéraire nouveau, du moins sans le contrôler. Certes, il avait à sa disposition la pierre de touche, mais elle était insuffisante. Elle pouvait montrer la fraude d’une pièce argentée, ou saucée, mais elle était impuissante à déceler le contenu, l’âme de la monnaie, et à démasquer par là la pièce fourrée. On employa alors un moyen bien simple. On prit une lame de bronze légèrement tranchante, on l’appliqua sur la pièce et d’un coup de marteau on la fit pénétrer dans le cœur même de la pièce. La monnaie était traversée dans toute son épaisseur et toute fraude devenait par là impossible, et à ce propos je crois, pour ma part, que l’on n’a jamais employé primitivement de cisailles et que par conséquent le mot cisaillé est impropre ; l’effort aurait été trop grand, et , pour des pièces grosses ou globuleuses, impossible. D’ailleurs, on aurait observé sur des pièces ainsi mutilées les traces du mordant des cisailles et une espèce d’écrasement ou de mâchonnement des deux faces provenant des deux branches de la cisaille, ce que je n’ai jamais observé sur les monnaies que j’ai eu l’occasion d’examiner.
Il est donc certain que la seul raison de ces mutilations est une espèce de contrôle que le public faisait lui-même pour se défendre contre les pièces fourrées. La chose n’était nullement répréhensible au point de vue légal. La monnaie n’était ni rognée ni morcelée. Elle conservait son poids légal et par conséquent restait dans la circulation.
M Babelon, pour combattre cette explication, dit qu’on devrait trouver des pièces en or cisaillées ; mais la raison est bien simple, et c’est M Babelon lui même qui va nous la fournir. En effet, en parlant des pièces fourrées et après avoir cité comme des exceptions un double statère d’or fourré de Philippe, et un statère d’Alexandre, signalé par Eckhel, il conclut en ces termes : Malgré ces exemples, il est vrai de dire que les monnaies d’or et d’électrum fourrées, chez les Grecs, sont extrêmement rares. Il n’est donc pas étonnant que, les pièces d’or n’étant jamais fourrées, on n’ait jamais pensé à les entailler pour les contrôler.
Dr Eddé. (Bulletin de numismatique )
A bientôt, Le Professeur Brrr.