- Iotapianus a écrit:
- IOVI a écrit:
- joli bigatus
Je vois que tu utilises le terme que Pline emploie dans un passage qui pose problème : du coup, crois-tu qu'on ait raison de continuer à appeler les didrachmes au quadrige "quadrigati", puisqu'il semble que, dans le meli-melo que fait Pline, c'est aux premiers deniers qu'il pense quand il parle de quadrigati et de bigati ?
Et voila ! la question embarrassante qu'il ne fallait surtout pas poser !
Ton interrogation est effectivement très interessante Iot, mais bien épineuse tu en conviendras au risque de lasser le reste de l'assemblée...
Elle se réfère à mon sens à la chronologie des types selon les différentes émissions et à une grossière erreur de classement numismatique de Pline.
Je vais tenter d'expliquer les choses le plus clairement et brièvement possible...Ce n'est pas gagné d'avance !
Qu'a pu bien vouloir signifier Pline quand il nous parle de
bigati (
Hist.Nat. XXXIII, 3, 44) ?
Lorsque l'on se place simplement d'un point de vue numismatique, il est clair que ce ce terme qualifie des deniers de la République Romaine (taillés au 1/84e de la livre romaine = 3 scrupules) ayant un revers représentant Diane dans un char attelé à deux chevaux. Diane sera remplacée plus tard par la victoire. C'est dans ce sens purement typologique que j'ai moi-même employé ici ce terme qui est d'ailleurs encore usité de nos jours pour qualifier simplement ce type récurent de la période. Notons que ce type de denier au bige apparait aussi avant que l'on ne cesse de frapper des quinaires et des sesterces (c.a.d. avant 217 av. J.-C.) et qu'il disparaitra complètement en 64 av. J.-C.
Or, si l'on se réfère à la chronologie des émissions, cette typologie n'est pas la première employée lors de la création du denier (en 211 av. J.-C., denier plus lourd que les types aux biges, taillé au 1/72e de livre = 4 scrupules). Ces deniers aux biges sont donc issus d’émissions postérieures au type primitif représentant les Dioscures à cheval galopant à droite, la lance en arrêt, leurs manteaux flottant et leurs bonnets coniques surmontés des deux étoiles emblématiques du matin et du soir (bien que certains exemplaires font la transition avec le type primaire avec un poids de 4 scrupules
).
Étymologiquement, le terme
bigati employé par Pline ne semble pas bien choisi pour qualifier ces premiers deniers aux Dioscures simplement parce que la typologie de revers et le poids sont différents. Mais permets moi de penser que la longueur de la période pendant laquelle ce type redondant fut frappé à Rome, (plus de 100 ans, avec des A/R invariables ) a engendré la vulgarisation du terme de
bigati et soit tombé dans le langage courant, comme une nomination usuelle, employée indifféremment par le citoyen romain, l'artisan ou le commerçant. Ce terme, valeur nominale de l'espèce, est devenu une notion commune à tous les deniers d'argent de la période pendant laquelle le poids du denier restât stable au 1/84e de livre, c'est à dire jusqu’à la fin de la république.
Mais lorsque Pline (
Hist.Nat. XXXIII, 3, 44) ou Tite-Live (
XXII, 52, 54 et 58) emploient alors le terme de
quadrigati pour aussi qualifier les autres deniers, l'explication semble tomber à l'eau ! Mais il suffit de penser à travers eux pour mieux comprendre ces divers emplois. Il semble logique et évident que lorsque ces auteurs parlent de
quadrigati dans leurs textes, ils font référence aux deniers romains qui ont pour type au revers une divinité dans un quadrige, type se substituant à celui des
bigati émis antérieurement ! Or, Rappelons que d'après les observations faites à l'époque par ces deux auteurs latins, ils considérent, à tort bien sur, que le type des
quadrigati est le plus ancien type de deniers émis par l'atelier de Rome ! La confusion de Pline vient aussi du fait que c'est Jupiter qui apparait en premier dans ce type de char (comme sur le didrachme romano-campanéen). Plus tard toute l'olympe au grand complet défilera sur les deniers
: Saturne, Mars, Apollon, Pallas, Hercule et bien d'autres encore... Ce type disparaitra aussi en 64 av. J.-C.
La ou les choses se compliquent encore et deviennent un véritable casse tête, c'est que Pline emploie aussi le terme de
quadrigati pour les monnaies d'argent Romano-Campanéene, didrachme présentant au droit une représentation janiforme des Dioscures et au revers le même quadrige au galop conduit par Jupiter. Comment peut on ne pas faire la différence entre deux types de monnaies dont les modules semblent si différents à l’œil nu? Ceci peut s'expliquer par le fait que la valeur de ces didrachmes fut ramenée à celle d'un denier (
quadrigati et
bigati de Pline). En effet, ces didrachmes de 6 scrupules circulaient encore lorsque le denier romain d'un poids de seulement 4 scrupules servait de monnaie de référence. La valeur fiduciaire du didrachme fut alors abaissée officiellement pour être équivalente à celle d'un denier, sans tenir compte de la différence de poids. Les
quadrigati Campanéens (didrachmes) avaient alors la même valeur que les
quadrigati (deniers) romain. Les fameux
quadrigati de Pline désignent donc, par ce terme général, l'ensemble de ces deux types monétaires si différents par leurs nature, leurs lieux de production et leur poids mais pourtant de même valeur dans les échanges commerciaux de la république.
En clair, j'en conclue que lorsque Pline emploie le terme de
bigatus pour désigner le denier romain, il met en avant une subtile notion pondérale faisant allusion à la réforme de poids intimement liée à l’apparition d'un nouveau type (valeur intrinsèque que Mommsen relie aussi à la réduction onciale de l'as, le bige passant de 4 à 3 scrupules) et lorsqu'il parle de
quadrigatus, il veut mettre en avant la notion d'identique valeur pécuniaire des différents modules ayant le même type (quadrige du denier et du didrachme romano-campanéen).
En espérant t'avoir éclairé sur le pourquoi du méli-mélo de Pline.