Tétradrachme en argent 17,09 g. frappé à Athènes, ancien style (449-413 av. JC).
D/ Tête d'Athéna de style archaïque à droite, portant le casque attique décoré de 3 feuilles d'olivier et d'une palmette, avec collier et boucle d'oreille.
R/ Chouette debout à droite regardant de face ; un rameau d'olivier et un croissant de lune à gauche ; lettres AΘΕ à droite.
40 ou 50 ans après l'apparition des premières monnaies d'électrum dans le royaume de Lydie vers 580 - 600 av. JC, différentes cités grecques commencent à frapper des monnaies d'argent avec au droit un symbole ou une divinité poliade (la tortue pour Egine...) et au revers un poinçon en creux.
Athènes commence à frapper monnaie sous les Pisistrate, vers 545 av. JC. Il s'agit de drachmes et de didrachmes (2 drachmes) d'argent appelées "Wappenmünzen", leurs types variés ayant été interprétés comme des blasons des hommes au pouvoir contrôlant la frappe monétaire.
Le tétradrachme de 17 g. à la chouette apparaît semble-t-il vers 510 et serait ainsi contemporain des reformes clisthéniennes. Ce nouveau type fait apparaître au droit la tête casquée d'Athéna, mais elle est surtout remarquable pour son revers, qui pour la première fois, en lieu et place du simple poinçon creux, montre une chouette, un rameau d'olivier et l'ethnique AΘΕ (abréviation de nomisma tôn ATHEnaiôn : monnaie des Athéniens) dans un carré creux.
Les mines d'argent du Laurion, dans le sud de l'Attique, permettent la frappe de très importantes quantités de ces monnaies qui se rendent peu à peu célèbres dans tout le monde grec et au-delà. Leur succès est tel tout au long des Ve et IVe siècles qu'elles sont copiées dans tous le Proche-Orient.
Après les victoires grecques des guerres médiques, Marathon d'abord, puis Salamine et Platées, Athènes a acquis une position dominante : elle reçoit en 479 l'hégémonie sur la Ligue de Délos, alliance conclue pour se protéger de la puissance perse. Athènes au sommet de sa puissance relève ses murailles, développe sa puissance navale, se lance dans un prestigieux programme monumental (avec bien sûr le Parthénon) et frappe de nouvelles monnaies. Les nouveaux tétradrachmes portent désormais au droit 4 puis 3 feuilles d'olivier sur le casque d'Athéna et au revers un croissant de lune. De remarquables décadrachmes de 43 g (!) montrant une chouette aux ailes éployées sont aussi frappées Ce sont là encore des monnaies de prestige servant certes au grand commerce mais aussi et surtout à montrer la puissance triomphante de la cité d'Athéna.
Un tétradrachme représentant environ 12 jours de travail d'un ouvrier, il ne saurait s'agir d'une monnaie d'emploi quotidien. Aussi, peu à peu, apparaissent au côté des didrachmes et des drachmes, tout une gamme de divisionnaires d'argent : trioboles (soit une demi-drachme, la drachme valant 6 oboles), dioboles, oboles... montrant la progressive monétarisation de la société athénienne (le troc étant remplacé par de petites sommes d'argent dans les transactions de la vie quotidienne).
De nombreux tétradrachmes sont retrouvés avec une profonde entaille (généralement sur la tête de la chouette). Ce ne sont pas des tests de changeurs vérifiant la qualité de la monnaie, ni des contremarques, mais des entailles votives : lorsque des dons sont faits en argent aux Dieux, les monnaies sont "tuées", sacrifiées rituellement, avant d'être versées au trésor du temple. Cela évite par ailleurs leur réutilisation et leur retour dans la circulation monétaire.
C'est probablement dans les années qui voient l'influence de Cléon remplacer celle de Périclès (constamment réélu stratège de 443 à sa mort en 429), qu'Athènes tente d'imposer à ses "alliés" de la Ligue délienne sa monnaie, et ses poids et mesures. Non seulement les tributs sont revus à la hausse, mais les chouettes (notamment) doivent être adoptées par toutes les cités alliées, à l'exclusion de toute autre monnaie. Cette mesure semble trahir l'ultime acte d'autorité d'une Athènes dont la suprématie est de plus en plus mal supportée par les autres cités. Bientôt la guerre du Péloponnèse et la désastreuse expédition de Syracuse vont épuiser les ressources d'Athènes.
Au IVe siècle, après une remarquable émission de monnaies d'or (utilisant le métal précieux des trésor des temples) et une période de monnayage de bronze très mal vécue par des Athéniens voyant là une manifestation de leur perte de puissance, la frappe des tétradrachmes reprend vers 380 av. JC. Le style est moins archaïque, plus fin, plus réaliste (mais avec peut-être moins de force ?) : la tête de la chouette et surtout l'oeil d'Athéna permettent d'identifier sans erreur ces émissions plus tardives, souvent frappées sur des flans très épais et un peu plus courts que le coin (voir l'exemplaire ci-contre).
Utilisation pédagogique possible : cette monnaie quasi patrimoniale a sa place tant en 6e qu'en seconde dans un exercice ou un dossier sur la religion civique à Athènes.
En 6ème, un tel exercice peut intervenir dans le thème 2 du cours consacré à la civilisation grecque ("la cité des Athéniens (Ve-IVe s.) : citoyenneté et démocratie"). L'étude est conduite à partir de la frise des Panathénées : au sein d'un petit dossier comprenant le plan de l'Acropole, une scène de sacrifice et des scènes des Panathénées, la monnaie accompagnée de l'explication de tous ses éléments peut donner lieu à une simple question du genre "relever sur cette monnaie tous les éléments faisant référence à Athéna". La réponse ("tous") permet de construire l'idée de divinité poliade protectrice du corps civique. La trace écrite peut être : Les fêtes religieuses (procession des Panathénées...) sont l'occasion pour toute la société athénienne de se réunir pour remercier la déesse protectrice de la cité.
Etant donnée la portée religieuse et surtout politique de ce monnayage, il serait dommage de ne l'aborder en cours que comme manifestation de la richesse et de la puissance commerciale d'Athènes (ce que font généralement les manuels).