Les trésors monétaires offrent principalement deux types d’informations, chronologiques et géographiques : les unes, liées au terminus, permettent de préciser la succession des émissions, les autres, en fonction de la quantité, nous renseignent sur la circulation monétaire. Dans le second cas, les trésors, quelle que soit la date de leur enfouissement, et les trouvailles isolées rassemblent suffisamment de pièces de Probus pour que l’on puisse parvenir à des conclusions sur la représentation de tel atelier monétaire dans telle région. Le cas des trésors se terminant par des monnaies de Probus est plus problématique. Théoriquement, il serait possible de fixer par leur étude la chronologie relative – si ce n’est absolue – des émissions : dans un trésor donné, les dernières émissions représentées des différents ateliers devraient être contemporaines. Or la réalité est plus complexe, précisément à cause de la géographie administrative monétaire.
Nous trouvons grosso modo deux ensembles de trésors avec terminus sous Probus : les très nombreux trésors bretons et gaulois d’une part, de l’autre quelques trésors balkaniques. Les premiers ne nous apportent pas les informations souhaitées sur les rythmes de la production monétaire, parce que la ou les dernières émissions de Lyon (selon Bastien) correspondent globalement à la ou les premières émissions de Ticinum, Rome et Siscia (selon Pink). L’explication de ce phénomène est bien connue : les monnaies italiennes et orientales de Probus ne pénétrèrent pas dans les territoires de l’ex-empire gaulois, à l’époque où il régnait. Quant aux autres trésors, trouvés entre les régions alpines et la province d’Asie, ils sont particulièrement précieux pour l’historien du monnayage de Probus et c’est la raison pour laquelle je souhaite leur consacrer ici quelques pages.
276 (automne) – Trésor de Troie (Asie)Bibliographie : BELLINGER (Alfred Raymond),
Troy, the Coins (
Supplementary monograph, 2), Princeton, 1961. Publication des monnaies trouvées à Troie, de 1932 à 1938, par la mission américaine de l’Université de Cincinnati. Comprend un trésor de 218 antoniniens, d’Aurélien à Probus (« Appendix II, The hoard of antoniniani », p. 201-211), dont :
- Tacite : 16 ex. (Ticinum 4, Serdica 3, Cyzique 8, Antioche 1)
- Florien : 9 ex. (Serdica 4, Cyzique 5)
- Probus : 13 ex. (Serdica 2, Cyzique 11)
Catalogue des antoniniens de Probus :
Serdica, 1re émission de Pink (276)N° 206, RIC 845 var.
IMP C M AVR PROBVS P AVG – A2 –
PROVIDEN DEOR, *//A
illustration de la figure de R/ :
http://lesmonnaiesdeprobus.blogspot.fr/2010/06/la-providence-des-dieux-invoquee.html Serdica, 2e émission de Pink (276)N° 207, RIC 853
IMP C PROBVS AVG – A2 –
RESTITVT ORBIS, *//KAB
illustration du type :
http://www.acsearch.info/record.html?id=340749 Cyzique, 1re émission de Pink (276)N° 208-218, RIC 905
IMP C M AVR PROBVS AVG – A2 –
CLEMENTIA TEMP
--//XXIP (1 ex.), --//XXIT (1 ex.)
P//XXI (3 ex.), S//XXI (2 ex.), T//XXI (1 ex.), Q//XXI (2 ex.), V//XXI (1 ex.)
illustration du type :
https://www.forumfw.com/t8738p15-les-probus-de-rosae Ateliers monétaires les plus proches de Troie (= Ilium) (itinéraires et durées de voyage calculés par ORBIS, The Stanford Geospatial Network Model of the Roman World,
http://orbis.stanford.edu/ > onglet « Mapping ORBIS » > Start, Destination, Month of travel) :
1 - Cyzique (=
Cyzicus), à environ 4 jours pour un trajet d’environ 270 km par terre et par mer
2 - Serdica (=
Serdica), à environ 19 jours pour un trajet d’environ 920 km par terre et par mer
Résultats à apprécier évidemment avec réserve…
DatationL’enfouissement de ce trésor est facile à dater grâce au cadre de classement proposé par K. Pink : avant la fin de l’année 276. Cela dit, l’étude de sa composition permet d’améliorer le classement des monnaies de Cyzique, en affinant la chronologie relative de la production de cet atelier. En effet, la série à l’étoile est absente de Troie (marques P//XXI* à V//XXI*). Les chiffres des trésors de Pleven (Mésie, 282), Svetozarevo (Mésie, 285) et La Venèra (Vénétie, 287) nous apprennent que cette série est aussi volumineuse que les autres, avec respectivement 14, 25 et 28 exemplaires : cette absence n’est donc pas liée à une rareté excessive et il faut en conclure que la série à l’étoile est postérieure aux autres.
illustration du type à l’étoile :
https://www.forumfw.com/t4370p945-les-probus-de-probusOn peut aller plus loin. Le fait que le revers rare CONCORDIA MILITVM soit hérité de Florien, invite à le classer en tout début de règne. Il porte la marque dans le champ (P//XXI) et doit être regroupé avec le revers CLEMENTIA TEMP utilisant la même marque. A Troie, la faiblesse numérique des monnaies avec marque d’officine à l’exergue (--//XXIP, 2 ex.), laisse entendre que cette deuxième série était en cours de production lorsque le trésor a été enfoui.
Sur la base de ces observations, je propose d'établir ainsi
la chronologie du monnayage de Cyzique en septembre-décembre 276 :
Série 1.1 Clementia temp P//XXI – V : Troie 9 ex., Pleven 31 ex., Svetozarevo 17 ex., LV 10 ex.
Série 1.1 Concordia militvm P//XXI – V : Troie -, Pleven -, Svetozarevo 1 ex., LV 3 ex.
Série 1.2 Clementia temp --//XXIP – V : Troie 2 ex., Pleven 21 ex., Svetozarevo 14 ex., LV 14 ex.
Série 1.3 Clementia temp P//XXI* - V : Troie -, Pleven 14 ex., Svetozarevo 25 ex., LV 28 ex.
Quant au contexte, ce trésor est contemporain des guerres gothiques qui ralentissent Probus dans son avancée vers Rome et la Gaule, mais qui lui vaudront le titre de
Gothicus maximus.