Bronze Ambiens au personnage de face et aux torques DT.404

Bonjour,

Voici un bronze Ambiens de ma collection avec un style très sympathique je trouve, il s'agit de l'exemplaire du DT.






LT.8472  poids : 1,90g


Description avers : Buste héroïque vu de face, un torque autour du cou, les bras écartés, tenant deux torques avec les mains ouvertes de face ; un annelet pointé de chaque côté.

Description revers : Cheval libre passant à gauche ; un annelet pointé entre les jambes du cheval ; derrière la queue du cheval, un annelet ; au-dessus, un bucrane.

Le personnage de la monnaie est assez remarquable avec sa position d'orant, rappelant le style du chaudron de Gundestrup. Les trouvailles seraient localisées dans la somme, il s'agit sans doute d'une petite émission au vu du peu d'exemplaires découverts. N'hésitez pas à partager vos impressions/connaissances sur cette monnaie.

en particulier l'avers.
Merci pour le partage !

Cette monnaie constitue un témoignage majeur du culte de Cernunnos. Un culte qui semble plus implanté au nord de Paris, Gaule Belgique mais aussi pays "nordiques" avant et même pendant la période romaine. Donc ça colle bien avec le département de la Somme.

C'est bien ce dieu qui est représenté sur ta monnaie. On y retrouve tous les codes habituels, qu'on retrouve par exemple sur cette phalère d'or (contemporaine de ta monnaie) :
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Pour la période romaine, voir le relief du pilier des nautes (Paris), ou les milliers de vases à bustes de  Gaule Belgique.

C'est le dieu du cycle de la vie et de la mort et de tous les contraires (bien et mal, jour et nuit).
Très proche du dieu mercure romain (lui aussi dieu des voyageurs et du passage vie/mort, et tenant une bourse ou de l'or comme Cernunnos).

C'est un dieu qui me passionne et je suis le premier à avoir associé l'iconographie des vases à bustes de Gaule Belgique à ce dieu "gaulois" (travail non publié...peut-être un jour !). D'ailleurs, sur les vases à bustes, on retrouve systématiquement les cercles pointés de part et d'autre de la tête (comme sur ta monnaie).

Comme les monnaies gauloises sont pratiquement anépigraphes, il faut comprendre les symboles comme des hiéroglyphes. Donc pour moi, finalement, les gaulois avaient une écriture. Avec de l'habitude, on peut comprendre les notions qui sont véhiculées :

Torque : richesse, pouvoir (d'un chef ou d'un dieu).
Esse : cycle (ressemble au signe infini en mathématiques)
Cercle pointé : lune
Cercle en pointillés pointé : soleil
Roue : idée du destin (= roue de la fortune)
Tête coupée : mort

Sur ta monnaie, je ne comprend pas la croix sous le cheval.
Par contre, l'esse, le soleil et la lune doivent être compris comme la légende de l'avers : (dieu) du cycle du jour et de la nuit.

Attention, ma traduction de ces "hiéroglyphes" du revers de ta monnaie, je viens de l'avoir à l'instant, je n'ai jamais lu ça ni dans un livre ni sur le net. Je pense néanmoins que certains de ces symboles ont été compris par certains.
Je suis, comme toi, amateur d'infos supplémentaires / liens internet ou bibliographiques / sur la lecture des symboles sur les monnaies et autres bas reliefs.

Un article intéressant ici :
Héloïse Schomas : "A propos de la rhétorique des images monétaires des peuples du centre-est de la Gaule".
https://journals.openedition.org/rae/7612

Cette chercheuse ne voit pas les "symboles flottants" sur les monnaies comme des légendes, car ces symboles sont parfois associés à une "vraie légende". Je ne partage pas cet argument. Rien n'empêche de mettre simultanément une légende en Latin et en Gaulois !
Malgré tout, certains symboles sont tout de même interprétés dans l'étude, mais je reste sur ma faim :
L'esse = le mouvement (que j'interprète plutôt comme le cycle)
Cercle pointé : le soleil (avec idée de cyclé héliatique)
Sanglier = force
Le triskel : cycle

En réfléchissant bien, la croix bouletée sur ta monnaie (au revers sous le cheval) pourrait bien représenter "la fin" = la mort.
Ce qui finirait bien la légende "dieu du cycle du héliatique et de la mort".

Les swastikas gravées dans les torques à l'avers cette phalère d'or pourraient aussi renvoyer à la notion de cycle de la vie (c'est un symbole qui tourne comme le triskel).

Merci pour vos avis. Ta démonstration Pescennius est remarquable. Je ne pouvais pas espérer un meilleur retour !


En effet, la présence de ces petits annelets confirme la parenté :





Ce potin Rèmes bien connu découvert dans la région de Reims appui fortement la thèse d'un culte à Cernunnos dans le nord :



Une écriture faite de symboles, tu touches un point très important de la numismatique Gauloise. La lecture que tu en fais pour ce bronze me semble très appropriée.

Merci !
(je viens d'ajoute un peu d'infos à mon post plus haut).

Ces vases à bustes sont passionnants, ils sont associés au culte des ancêtres.
Le dieu Cernunnos est donc une divinité incontournable dans le cadre de ce culte. Il peut être associé, sur le même vase, à Mercure, et à la figure des ancêtres, parfois même des ancêtres femmes ! Des fragments (rares) de vases à bustes avec serpents et boucs permettent de prouver que toute l'iconographie était encore connue à l'époque romaine, en plus des cornes et des torques.

Pour rebondir sur ton potin Rèmes (Reims), il me fait pensait (par sa localité) au relief de "l'autel de Reims" :


Ce relief funéraire reprend le dieu cornu assis en tailleur (comme sur le chaudron de Gundestrup), avec le sac de pièce d'or, des animaux cornus à ses pieds. Normalement, c'est le bouc qui est préféré, car c'est l'animal des hauteurs (important dans la symbolique haut/bas). A ses côtés, Apollon et Mercure (divinité psychopompes = conduisent les âmes des défunts vers Cernunnos pour qu'elles soient jugées).

Cernunnos est un véritable "juge des enfers" et sera diabolisé par les premiers chrétiens (lutte contre le polythéisme). C'est pour cela que le diable, tel que nous le représentons encore aujourd'hui, a des cornes !

Tiens, je viens de voir que le potin Rèmes présente la même légende : l'esse ouverte + 2 astres représentés différemment (idée de jour et nuit ?).
Si Une esse fermée représente un cycle,
ESSE OUVERTE = FIN D'UN CYCLE ?!!!
C'est passionnant !

Pour les symboles du soleil "éteint", c'est très dur à représenter. Avec des rayons, on peut penser à un soleil qui éclaire.
Avec un cercle ininterrompu, c'est comme ça que je représenterai un soleil éteint (ou la lune, "éteinte" aussi).
(De nos jours, le symbole serait une ampoule électrique avec/sans les petits traits périphériques).
Concernant le sanglier sur le potin Rèmes : Mme Schomas parlait de force/courage. Serait-ce en relation avec le courage qu'il faut pour affronter la mort ou la force de Cernunnos représenté à l'avers ?

Passionnant, Pescennius. Tes théories tiennent la route et sont le résultat, je pense, de beaucoup d'informations recoupées qui s'articulent bien pour illustrer un propos. On en redemande à partir d'autres types de représentations des monnayages gaulois. Ce n'est en effet pas un hasard si on retrouve régulièrement des symboles qui se répètent sur les monnaies et d'autres objets, et qui sont extrêmement bien organisés dans les petits espaces des monnaies pour raconter quelque chose de mystique.

belle monnaie et joli exposé

Merci ! 

belle monnaie et une analyse intéressante!bravo

Merci de nous faire découvrir cette jolie et intriguante monnaie, je ne connaissais pas ! L exposé qui s en suit est très instructif 👏😊

Il n’y a pas d’esse sur le potin au personnage assis en tailleur, comme le décrit JM Doyen, de mémoire, il me disait que rien ne trouve que ce soit un dieu ou une déesse..
Peut être a-t-il changé son interpretation depuis, quoi qu’il en soit, ce que tu prends pour une esse, est une fibule. On la retrouve sur la plupart des potins Remes.

Superbe bronze en attendant.

Bien vu Istios !
C'est indiscutablement une fibule…
Reste à savoir pourquoi une fibule…   
Réfléchisssssement !

Rien à voir a priori avec la mort… les fibules sont presque systématiquement présentes dans les sépultures, mais j'ai toujours pensé qu'elles représentaient tout ce qui reste des vêtements après crémation. Par contre, j'ai l'expérience d'une étonnante fouille d'une mare antique au cœur d'une nécropole antique à Hénin-Beaumont (Pas de Calais, actuel cinéma Gaumont) que j'ai fouillé lorsque j'étais jeune (archéologue bénévole) dans laquelle on trouvait des fibules à foison (150 selon mes souvenirs, et on a pas tout récupéré). Vu le volume, on fouillait à la pelleteuse…
Pas d'explication pour la présence anormale de ces fibules. A l'époque, je me disais qu'un gros arbre à loques devait servir à accrocher des vêtements des gens malades comme on le voit encore dans notre région (et frontière belge). Cette pratique a peut-être une origine antique…
Dans tous les cas, cela ressemble à un culte… et peut-être que ces fibules (seules sans vêtement accroché) étaient consacrées à un dieu précis.
J'ai d'ailleurs retrouvé de nombreuses fibules enfoncées dans les joints d'un autel votif à proximité du Vidourle dans le sud de la France (lors de mes jeunes années de fouilleur bénévole là aussi).
https://www.persee.fr/doc/ran_0557-7705_2007_num_40_1_1177

Pour revenir à la position à genoux du personnage, les deux bras tenant un torque au dessus des épaules, elle ne prouve rien, je suis d'accord. Il faut rester prudent (l'exemple de la fibule est là pour me faire une petite leçon d'humilité). Et effectivement, ce qui est troublant, c'est cet aspect couette tressée, qui peut rappeler les cornes, mais qui n'en sont pas. On retrouve ces couettes sur le personnage marchant à droite sur d'autres potins Rèmes.

Un chef gaulois aurait-il fait passer un message de sa parenté avec les dieux, comme l'ont fait bon nombre d'empereurs par la suite ? Nombreux sont ceux qui se prenaient pour des demi dieux de leur vivant, genre Hercule : Postume, Maximianus, Commode, et Alexandre (à vérifier, je cite de mémoire). J'avais un prof d'archéo qui nous disait que cette posture assise avec torque autour du coup était reprise par l'élite.

Pour revenir au sanglier, dont je ne m'expliquait pas la présence sur une monnaie en relation avec l'iconographie "cernunosienne", je viens de réaliser qu'il s'agit d'un animal cornu… et au pied fourchu.
Un animal proche du quotidien gaulois, bien plus que le bouc, mais dont la signification est probablement identique. Rappelons, comme je le disais plus haut, que le duo corne/pied fourchu a servi à caractériser le diable à l'époque chrétienne…
Et je réalise à l'instant que cet animal a également été diabolisé par la culture musulmane et juive dès le départ.

Je suis tout à fait d’accord avec toi, concernant l’interpretation du personnage assis en tailleurs, mais... il y a toujours un hic.
Fouilles d’Acy-Romance (Ardennes) et du Mortmont (Suisse), où ont été retrouvés cette posture..
Pour ceux d’acy, ils étaient enfermés dans des caisses et mains liés. Du coup, ils ont été désignés comme des esclaves- voleurs ou autres... loin de l’image divine...par Bernard Lambot

Pour ma part, j’ai tendance à croire aux sacrifices de druides.

Pour celui du Mortmont, ma mémoire me fait défaut pour les détails.

Ta référence à Acy-romance est très intéressante. Je l'avais d'ailleurs étudié en cours à l'université… ça remonte à loin, mais cela m'a marqué tellement c'est mystérieux.

Ce n'est peut-être pas si loin de l'image divine. Pour éviter que les esprits des morts (prisonniers de guerre condamnés à mort ?) vienne hanter les vivants, on a peut-être organisé un rituel à Cernunnos. Reprenant la position du dieu, pour les consacrer…

Et cela peut aussi être des volontaires ou des tirés au sort…
Le fanatisme religieux peut pousser à tout : des chrétiens continuent de se porter volontaires pour se faire crucifier de nos jours :
https://www.nouvelobs.com/monde/20130329.OBS6190/philippines-scenes-de-crucifixion-pour-le-vendredi-saint.html
Et des suicides de masse existent (cf secte du temple solaire).

Cette énigme restera un mystère et finalement tant mieux