Une chose m'intrigue: l'alternance de lettres d'officine
latines ou
grecques dans certains ateliers sous Probus.
L'une de mes dernières acquisitions m'amène à formuler une hypothèse:
RIC 776 Siscia Emission 2, 3ème officine avec lettre
latine T au lieu de la lettre
grecque Γ.
Il existe au moins un autre exemplaire de cette pièce, avec même coin de droit et même graveur du coin de revers, mais celui-ci est légèrement différent, ce qui démontre que ce n'est pas une erreur de gravure:
https://www.forumancientcoins.com/gallery/displayimage.php?pos=-138975Un exemplaire du type "normal" (lettre
grecque) est présent dans la base probuscoins.net:
https://www.probuscoins.fr/coin?id=1352Cette alternance "lettre
grecque / lettre
latine" pour la même officine et la même émission pose question. Siscia poursuivra ses émissions ultérieures avec des lettre
latines (à l'exception notable de l'émission 8).
Par ailleurs, à Serdica, les deux premières émissions se font avec lettres
grecques, puis la 3ème avec lettres
latines, pour revenir aux lettres
grecques dans les deux dernières émissions.
Voici mon hypothèse:
- Lors du passage de l'empereur à Serdica puis Siscia en 277, il se dirige vers Rome. Il est donc décidé à Serdica de payer les troupes avec des aureliani comportant des lettres
latines, facilement admises dans les contrées très romanisées vers lesquelles elles se dirigent, et propres à mieux porter la promotion de l'empereur dans ces régions qui ne l'ont encore jamais vu: Probus a été promu empereur par ses troupes en Orient, il doit encore se faire admettre par le sénat de Rome. Dans ce contexte, il ne doit pas transporter avec lui des traces orientales au travers des lettres
grecques.
Cette décision est prise au cours de la 3ème émission de Serdica, qui frappe avec des lettres grecques en "phase a" (alpha, gamma, delta ont été identifiées), puis avec des lettres latines en "phase b" (P, S, T, Q).
Siscia lance parallèlement et de façon anticipée sa 2ème émission avec - comme à Serdica - les lettres grecques habituelles, pour disposer de suffisamment de monnaies dès l'arrivée de l'empereur ("enfant du pays") dans la ville: le séjour de Probus à Serdica n'ayant duré que 2 à 3 semaines, il fallait faire vite pour être prêt à Siscia... Sans doute la consigne de passer en lettres
latines n'a-t-elle pas été transmise à Siscia. Lorsqu'on lance la 4ème émission de Siscia avec des lettres
latines, la 3ème officine transforme son "
Γ" en "
T" sur ses derniers coins de revers SOLI INVICTO, puis frappe d'autres revers pour cette nouvelle émission (Elle ne frappe pas Soli Invicto selon le nouveau standard dans l'émission 4). Ceci expliquerait la rareté de ces aureliani "
T" Soli Invisto de la 3ème émission, et l'identité de coin de droit sur les 2 seuls exemplaires que je connaisse. Ainsi, cette production de Soli Invicto "T" au standard 3ème émission serait simultanée au démarrage de l'émission 4 avec nouveau standard dans les autres officines.
- Lors du séjour de l'empereur à Serdica en 280, il se dirige avec ses troupes vers l'Orient, dans des régions où la culture
grecque est encore très prégnante: on revient donc naturellement à l'utilisation de lettres
grecques pour payer les troupes qui vont y combattre.
- En 282, il se dirige à nouveau vers l'Orient pour combattre. Il fait une longue étape à Siscia avec ses troupes. L'émission 8 de Siscia, par son importance (7 officines en service) et l'adoption à nouveau de lettres
grecques, doit correspondre à la constitution du trésor destiné à la solde de l'armée: elle est frappée avant l'arrivée des troupes, fin 281. Les lettres
grecques sont adoptées car l'armée se dirige vers la partie
helléniste de l'empire. Puis on frappe une dernière émission (la 9ème) en 282, après le départ de l'armée, avec seulement 3 officines et des lettres à nouveau
latines, pour les besoins locaux.