Je ne peux résister à vous livrer mes dernières et savoureuses lectures issues de numéros de la revue numismatique belge au tournant du XIXè et XXè siècle.
C'est assez drôle cette découverte de trésor en Isère:
http://www.numisbel.be/1882_24.pdfEt puis j'adore le style de cette époque avec cette description d'un médaillon inédit de Philippe Père trouvé à Rome par Francesco Gnecchi:
Milan, ce 25 mai 1895.
A M. Alphonse de Witte
Monsieur et cher collègue.
Voilà déjà plus de deux années que les fouilles de Rome ne nous offrent plus rien d'intéressant pour la numismatique. Des monnaies de tous les âges sortent toujours de cette terre féconde, et on a même fait dernièrement quelques trouvailles importantes, comme par exemple celle du trésor de Santa Balbina, assez riche pour fournir à
lui seul aux collectionneurs du monde entier des aurei de Lucius Verus tous remarquablement beaux et tout à fait à fleur de coin. Mais, dans le
nombre, pas une seule pièce nouvelle, qui méritât particulièrement d'être signalée aux numismatistes.
Ce fut seulement en avril passé, dans ma dernière excursion à travers l'Italie, que j'ai eu la bonne fortune de trouver enfin à Rome un beau
médaillon en bronze de Philippe Père, tout récemment découvert. J'en ai été doublement heureux, et comme collectionneur et aussi parce que cette
belle médaille me fournissait l'occasion de tenir ma parole envers vous, cher Monsieur, qui peu auparavant m'aviez fait l'honneur de réclamer de moi un petit article pour votre Revue, et précisément me demandiez de vous réserver la première pièce romaine qui viendrait à ma connaissance.
Voici donc le médaillon :
Droit. IMP CAES M IVL PHILIPPVS AVG.
Buste de Philippe père, lauré, à droite, avec le
paludamentum et la Cuirasse.
Rev. PONT MAX TR P (à l'entour) ; COS P P
(à l'exergue).
Quadrige triomphal, au pas, à droite, dans lequel on voit l'empereur et une Victoire qui le couronne. Trois soldats portant des palmes marchent
à côté des chevaux (année 244 a. J. C).
Poids gr. 69. Diam. mill. 39,5oo.
L'avers ne présente aucune particularité ; il est semblable à l'avers de plusieurs autres médaillons de ce prince. Le revers, au contraire, est complètement nouveau. Il ne représente pas une victoire
déterminée, mais une entrée triomphale, et, la date étant celle de la première année du règne de Philippe (TR P COS), il n'y a aucun doute que le médaillon n'ait été frappé à l'occasion de l'ADVENTVS de ce prince comme empereur à Rome, en l'an 244. On ne connaît de cette première année de son règne — à laquelle on reporte les bronzes sans
date avec la légende ADVENTVS — que deux autres médaillons (Cohen 117 et 118), tous les deux représentant l'empereur debout entre plusieurs
soldats, trois sur un des exemplaires et quatre sur l'autre. Ces deux médaillons peuvent donc être considérés comme deux variétés du même sujet militaire; mais, de tous, c'est certainement celui
que je viens de décrire, qui offre le plus d'intérêt, car il se rapporte à un fait très précis et historiquement important.
C'est même probablement à cette circonstance qu'on doit attribuer ses dimensions exceptionnelles. En effet , les médaillons en bronze , à
l'époque des Gordien et des Philippe, ont ordinairement le diamètre du module 10 de l'échelle de Mionnet et le poids du double sesterce, c'est-àdire de 42 à 46 grammes. Le nouveau médaillon avec son diamètre de
mill. 39,5oo correspond au mod. 12 de l'échelle de Mionnet ; il a le poids exact de trois sesterces, même si nous prenons le poids des sesterces
lourds, selon Kenner, qui leur donne, pour cette époque, une moyenne de 23 grammes. Je ne puis pas affirmer absolument qu'il soit le
seul médaillon de Philippe du poids de trois sesterces; mais je n'en connais pas d'autres, et aucun de ceux décrits par Cohen (qui malheureusement n'a pas l'habitude d'en donner les poids) ne dépasse
le mod. 10 de Mionnet, dont le poids correspond à celui du double sesterce. — Il y a donc toutes les probabilités que mon médaillon soit le plus lourd des médaillons de Philippe.
Il a été trouvé à Rome, en avril dernier, près de la Porta Salaria, dans un état excellent de conservation, mais couvert d'une couche épaisse
d'oxydation. Lorsqueje l'ai vu et acquis, l'avers avait été déjà
nettoyé, peut-être même trop, comme on le fait généralement à Rome, ce que j'ai plusieurs fois regretté. Le revers, au' contraire, était encore
presque entièrement recouvert par l'oxyde. C'est dans cet état que je l'ai conservé et que je l'ai reproduit; et j'ajouterai — ce que la reproduction
typographique ne peut pas donner — que l'avers a une jolie patine brun-rouge, tandis que le revers, dans le petit coin délivré de l'oxydation,
présente un magnifique émail vert-clair.
Et je n'abuserai pas plus longtemps de votre hospitalité.
Votre très dévoué,
Fr. Gnecchi.