Bonjour
A défaut d’un embarquement pour Cythère, je vous propose un voyage en Pisidie, ma province de collection.
La Pisidie est une petite région montagneuse du sud-ouest anatolien, coincée entre la Phrygie au nord, la Lycie et la Pamphylie au sud, et la Lycaonie à l’Est. La région fait partie de l’empire hittite jusqu’à sa chute vers 1200 avant notre ère. Par la suite, les Pisidiens reprennent leur indépendance, avant d’être annexés par le royaume de Phrygie (le roi Midas) au VIIIème siècle puis la Lydie (Crésus) au VIème. Les Perses annexent le royaume de Lydie, mais leur contrôle sur les Pisidiens restera toujours limité. Alexandre lui-même ne parvient pas à soumettre les Pisidiens et il renonce au siège de Sagalassos. Les habitants de Selgé et Sagalassos prétendaient que leur cité était une fondation lacédémonienne. Les Pisidiens sont nominalement sous la tutelle des Séleucides, qui fondent Antioche (de Pisidie). A la paix d’Apamée, les Attalides de Pergame se voient reconnaître l’ouest de l’Asie mineure dont Antioche, tandis que les Pisidiens conservent une large autonomie dans le royaume attalide. Strabon décrit comment le roi Amyntas de Galatie envahit la Pisidie (dont Cremna) et la Pamphylie (province romaine depuis -105), mais lorsque Auguste annexa le royaume galate en -25, il restaura une province de Pamphylie et Pisidie, Antioche restant dans la province d’Asie qui a pris la suite du royaume de Pergame, et la Lycaonie restant rattachée à la province de Galatie. Auguste fonde les colonies d’Antioche, Lystres, Cremna, Olbasa, Aurèle fonde la colonie de Parlaïs. Antioche est une étape du voyage de saint Paul lorsqu’il traverse la Pisidie. Et de fait, le christianisme s’y implante assez tôt. Zosime raconte comment le brigand Lydios s’empara de Cremna en 278 avant que les troupes de Probus ne parviennent à reprendre la ville à l’issue d’un long siège. Pisidie et Pamphylie sont séparées au IVème siècle et Antioche, qui a été rattachée à une date incertaine à la Pisidie-Pamphylie, en est la capitale. En 712, les Arabes détruisent Antioche de Pisidie, qui ne s’en relèvera jamais. A l’époque byzantine (VIIIème siècle), la Pisidie est partagée entre les thèmes des Anatoliques et des Cibyrrhéotes. Au XIIème siècle, elle est sur la ligne de front entre Byzantins et Turcs Seldjoukides, qui s’emparent de toute la région après l’affaiblissement de l’empire byzantin consécutif à la prise de Constantinople par les croisés.
Les Pisidiens parlaient une langue, le pisidien, issue comme le carien, le lydien, le lycaonien, le pamphylien (et peut-être le cilicien, l’isaurien et le cappadicien) du louwite, langue proche du hittite.
Dès le IVème siècle, à l’époque perse, Selgé et Etenna commencent à frapper des monnaies d’argent puis de bronze. A l’époque hellénistique, plusieurs villes (Cremna, Adada, les Keraïtaï, Termessos, Isinda, Comana) frappent monnaies, assez tardivement (-Ier.s) et sont parmi les dernières cités à abandonner leur monnayage au début de l’époque impériale. Les frappes de monnaies coloniales commencent assez tôt, sous Auguste, mais restent limitées. Elles sont plus abondantes au second siècle, et surtout au IIIème siècle. Elles sont parmi les dernières cités à frapper des monnaies coloniales : Antioche, Prostanna, Sagalassos, Séleucie, Selgé frappent pour Claude II, Cremna et Selgé pour Aurélien.
Les types monétaires se classent en 6 groupes : celui des divinités (Apollon, Zeus, Artémis, Dionysos, Athéna, Héra, les Dioscures, les dieux locaux comme Men et Solymus, Cybèle), le plus abondant ; celui de l’architecture, en particulier les temples, locaux ou voisins (comme le temple de l’Artémis de Perga) ; les scènes mythologiques, beaucoup plus rares ; les scènes liées à l’empereur (visite, concorde, etc) ; les jeux (urnes contenant les prix, palmes, couronnes, etc) ; les scènes de fondation et scènes liées à la symbolique romaine comme la Louve, ces 4 thèmes étant bien plus rares. Ce qui est intéressant, c’est qu’il est difficile en vente de trouver deux monnaies coloniales du même type, alors que pour les impériales, c’est assez courant.
Les modules sont variés ; leur nom antique étant incertain, on appelle l’unité assarion, et les multiples biassaria, triassaria, pentassaria, decassaria, etc. La taille varie donc de 10 mm à 50 mm pour les plus grosses. On trouve assez souvent des grands bronzes impressionnants de plus de 30 mm qui dépassent les sesterces. Les prix sont assez variables.
Les monnaies sont souvent contremarquées. L’explication de ces contremarques, plus courantes à mesure que l’on avance dans le temps, n’est pas toujours très claire. Certaines contremarques dévaluent ou réévaluent la monnaie par rapport à sa valeur théorique de départ, d’autres sont là pour confirmer leur utilisation par un empereur postérieur.
Ces monnaies coloniales ne sont pas très courantes, à l’exception d’Antioche. On peut trouver des monnaies d’Antioche de Pisidie pour 10€, prix plancher. Les autres sont nettement plus rares. On arrive à trouver Selgé, Sagalassos, Cremna, Isinda, Séleucie, Prostanna, Olbasa mais les autres sont fort rares, comme Lagbe ou Timbriada et sont quasiment introuvables. Les prix pour de belles coloniales de grand module, pour peu que la scène soit inhabituelle, montent rapidement à 1000€ et plus. Mais on arrive à trouver des monnaies à peu près potables à partir de 40 ou 50€.
Voici la liste des cités émettrices : Antioche, Amblada, Pappa Tiberia, Tityassos, Prostanna, Timbriada, Adada, Cremna, Malus, Selgé, Etenna, Pednelissos, Termessos major, Panémotique, Isinda, Codrula, Ariassos, Verbe, Andeda, Pogla, Olbasa et Kolbasa, Lagbe, Palaïopolis, Conana et Comama, Sagalassos, Minassos, Lysinia, Baris, Séleucie Sidera, Apollonia Mordiaion et Parlaïs dont la localisation en Lycaonie ou en Pisidie est incertaine.
H. von Aulock est le premier à s’être vraiment intéressé au monnayage colonial d’Asie Mineure. Anti-nazi réfugié en Turquie pendant la dernière guère, il commença, pour tuer le temps, à s’intéresser aux monnaies que sortaient les paysans de leurs champs, et finit par en devenir le spécialiste incontesté.
En guise de bibliographie, on consultera pour les identifications évidemment le Greek imperial coinage de David Sear, plus accessible mais moins complet et moins illustré que les nombreux volumes parus et à venir (et chers) du Roman provincial coinage et du SNG (dont ceux de la collection de Von Aulock). En guise d’introduction générale, le Provincial coinage (Ancient coin collecting IV) de Wayne Sayles est bien fait.
Quelques liens:
http://www.snible.org/coins/hn/pisidia.htmlhttp://asiaminorcoins.com/pisidia.htmlhttp://www.sagalassos.com/Le_Film/La_Realisation/la_realisation.htmlhttp://www.sagalassos.be/index.htmhttp://www.archaeology.org/interactive/sagalassos/index.htmlEt à présent, les exemplaires de ma collection.
Adada, Caracalla, avec les Dioscures au revers
Domna, Antioche de Pisidie avec la Tyché au revers
Claude II, Séleucie Sidera, avec Mên au revers
Maxime, Comama
Tranquillina, Cremna
Gallien, Isinda
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