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La légende du phare d'AlexandrieLes monnaies provinciales romaines des liens ci-dessous, d'Alexandrie (Egypte) portent sur leurs avers les têtes ou bustes à droite de Trajan, Hadrien, Sabine, Antonin le Pieux, Faustine II, Marc Aurèle, Lucius Verus, Commode, Macrin ou Gordien III et, sur les revers, soit le
phare d'Alexandrie, soit Isis Pharia debout à droite devant le
phare tenant une voile et un sistre, soit une galère passant à droite à côté du
phare.
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heptastade, ainsi appelé dû à sa longueur égale à sept stades, ce qui donnait à la ville d'Alexandrie un double port. Comme les conditions de navigation étaient souvent dangereuses et que le littoral était plat, la construction d'un
phare s'imposait pour guider les bateaux. Le site choisi pour sa construction fut la pointe de l'île de Pharos à l'emplacement de l'actuel fort Qaitbay qui date de la fin du XVe siècle et qui fut d'ailleurs construit en partie avec des blocs antiques qui appartenaient, entre autres, au
phare.
Monument entouré d'un voile de mystère
, il a inspiré de nombreuses légendes. Son aspect exceptionnel pour l'époque (il fut pendant très longtemps le plus haut monument du monde), lui conféra une aura particulière, peut-être tout simplement car le
phare d'Alexandrie était alors le reflet d'un travail architectural phénoménal pour l'époque, avec une sobriété et une élégance éclatantes. Considéré comme la plus haute construction du monde durant l'Antiquité, et d'une finesse technologique rare, les scientifiques étaient nombreux à venir l'admirer
car le miroir reflétait le foyer lumineux à plus de 50 kilomètres. Sa particularité tient également du fait que ce fut la seule merveille du monde à avoir une utilisation pratique.
Il fut qualifié comme la dernière des sept merveilles du monte antique
et a servi de guide aux marins pendant près de dix-sept siècles (du IIIe av. J.-C. au XIVe de notre ère). Sa construction aurait débuté vers -297 (la date exacte est inconnue) et duré une quinzaine d'années. Les travaux furent initiés par Ptolémée I
, mais celui-ci mourut avant la fin du chantier qui fut achevé sous le règne de son fils Ptolémée II
. Les nombreux tremblements de terre qui eurent lieu dans la région entre le VIe et le XIVe siècles
ont peu à peu endommagé le phare qui fut presque entièrement détruit en 1303.
On a longtemps pensé que la construction avait été dirigée par l'architecte Sôstratos de Cnide dont le nom est donné par le géographe grec Strabon. Il cite une inscription en plomb, en grec, insérée dans un mur du
phare, laquelle disait :
Sôstratos fils de Dexiphanès de Cnide a dédié ce monument aux dieux sauveurs pour le salut des navigateurs.
L'identité des dédicataires de l'épigramme de Sôstratos est discutée
. On pensait au départ que les dieux sauveurs étaient en fait les Dioscures, protecteurs des marins (voir mon post n.º 43,
La légende des Dioscures (Castor et Pollux)). Finalement, il semblerait que la dédicace s'adressait à Ptolémée I qui était connu comme Ptolémée Sôter (ce qui signifie sauveur en grec). L'archélogue Jean-Yves Empereur, quant à lui, se base sur une épigramme du poète du -IIIe siècle, Posidippe, pour appuyer son hypothèse selon laquelle Sôstratos aurait en fait dédié la statue qui surmontait le phare et non le phare lui-même.
Le
phare fut construit non seulement pour protéger les marins de la côte d'Alexandrie, mais également, selon le même archéologue, en tant qu'œuvre de propagande. La ville tout entière fut construite de façon démesurée et le phare devait en être le symbole. Le résultat fut tel que, depuis, le mot phare (de l'île de Pharos, du latin
pharus) est utilisé pour désigner communément ce type d'édifice. Le phare dominait la côte et permettait aux marins d'avoir un point de repère, la côte étant relativement plate.
Jean-Yves Empereur a étudié des représentations du phare plus ou moins fidèles (documents figurés, mosaïques), mais aussi des sources écrites et a réussi à en tirer un plan assez précis. Il a notamment étudié des pièces de monnaie frappées à Alexandrie entre le Ier siècle avant notre ère et le IIe siècle, comme celles présentées ci-dessus. Il s'est aussi appuyé sur une sépulture antique du -IIe siècle à Tapsoris Magna (à environ 40 km d'Alexandrie), au-dessus de laquelle le propriétaire avait fait réaliser une copie réduite du phare.
Il a déduit que le phare devait être un bâtiment à trois étages : une base carrée légèrement pyramidale, une colonne octogonale et une petite tour ronde distale surmontée d'une statue, le tout pour une hauteur d'environ 135 m. La base devait mesurer environ 70 m de hauteur sur 30 m de côté. On y accédait par une rampe à arcades. Une cinquantaine de pièces servant d'habitation au personnel chargé de l'entretien du phare ou d'entrepôt de combustible étaient aménagées tout autour d'une rampe intérieure, ce qui explique les fenêtres asymétriques qui suivaient l'axe de la rampe, assez large pour livrer passage aux bêtes de somme chargées d'acheminer le combustible. Elle donnait accès à une sorte de terrasse munie d'une rambarde de 2,30 m de haut entourée de quatre tritons soufflant dans des cornes, un à chaque coin de la terrasse.
Le deuxième étage était de forme octogonale et mesurait 34 m de hauteur et 18,30 m de largeur. Il comportait un escalier intérieur qui menait au troisième étage. Celui-ci était circulaire et ne mesurait que 9 m de hauteur. Il contenait lui aussi un escalier de 18 marches. Au sommet du phare se dressait une statue qui n'a pas encore pu être formellement identifiée ; en effet, il pourrait s'agir de Zeus, de Poséidon ou d'Hélios.
Dans son poème, Posidippe nous dit qu'il s'agit de la statue de Zeus et ce fut probablement le cas pendant la première moitié du IIIe siècle av. J.-C. Une autre source semble aller dans le même sens : c'est une intaille en verre du Ier siècle qui montre le phare surmonté de Zeus qui tient dans la main gauche une lance et dans la main droite une sorte de coupelle. Sur cette représentation, le
phare est entouré d'Isis Pharia et de Poséidon, divinités qui avaient chacune un temple sur l'île de Pharos. La statue de Zeus serait donc restée en place jusqu'à l'arrivée des Romains
.
Il existe un gobelet en verre datant du IIe siècle et retrouvé à Bagram en Afghanistan qui montre l'image d'un dieu tenant une rame dans la main gauche ce qui ferait de lui Poséidon. Ce même dieu est cité dans un texte du Ve siècle parlant d'une réparation du
phare.
Finalement, une mosaïque datant de 539 montre le phare surmonté d'Hélios.
On pourrait penser que les trois statues se seraient succédées
. On aurait eu tout d'abord la statue de Zeus, qui était vénéré sous la forme de Zeus-Ammon et comme étant donc l'ancêtre des Ptolémées. Il serait donc logique qu'à leur arrivée, les Romains aient supprimé cette statue qui rappelait trop les Lagides, c'est-à-dire, les Ptolémées. Ils l'auraient donc remplacé par une statue de Poséidon, dont la fonction conviendrait parfaitement au rôle du phare, celui de protéger les navigateurs. Il aurait pu être ensuite remplacé par Hélios, qui à la fin de l'Antiquité était une divinité courante. Il existe un édit promulgué en 391 par Théodose I, lequel visait à abolir les cultes païens sur le territoire romain, alors officiellement chrétien, dont faisait partie l'Égypte. On sait qu'il a été suivi à Alexandrie de manière assez consciencieuse, dans la mesure où c'est suite à cet édit qu'a été détruit le temple de Serapis, par exemple.
On a retrouvé immergées au pied du fort Qaitbay deux statues colossales : la première est celle d'un Ptolémée en pharaon et la deuxième, une statue d'Isis. Ces statues devaient être posées devant le phare pour être vues des navigateurs entrant dans le port
. On ne sait pas avec certitude quel Ptolémée est représenté, mais on suppose qu'il s'agit de Ptolémée II et que la statue d'Isis est en fait son épouse Arsinoé II
que le pharaon avait divinisé après sa mort
.
Les fouilles archéologiques sur le site du fort Qaitbay ne sont devenues systématiques que depuis la seconde moitié du XXe siècle. En effet, si la présence de blocs sous-marins était connue depuis le XVIIIe siècle, ces blocs n'ont pas été étudié avant les années 1960 et l'image plus ou moins réaliste que l'on avait du phare avant cette date était le plus souvent basée sur les textes antiques tout autant que sur des légendes.
La première étude vraiment sérieuse du
phare (et non du site) est celle réalisée par Hermann Thiersch au début du XXe siècle et qui a été soutenue par le musée gréco-romain. Il recensa toutes les sources existant jusqu'alors pour arriver à une description assez fidèle du phare à différentes époques. Pour Thiersch, les assises du phare se trouvaient encore dans le donjon du fort Qaitbay. Vers 1916, un ingénieur français du nom de Jondet réalisa des sondages et confirma cette hypothèse. Mais le fort, qui était une construction militaire, était interdit d'accès et il a fallu attendre le début des explorations sous-marines pour pouvoir vraiment étudier les vestiges du
phare.
Ces explorations ont commencé au début des années 1960 grâce à un plongeur et archéologue amateur alexandrin, Kamel Abul Saadat, qui a été le premier à explorer l'entrée du port et à attirer l'attention sur les blocs qui s'y trouvaient. En 1962, il convainc la marine égyptienne de renflouer une statue colossale d'Isis et en 1968, l'UNESCO envoie sur place l'archéologue écossaise Honor Frost avec qui Kamel Abul Saadat établit le plan des fonds sous-marins. En 1975, elle publiera le premier article scientifique sur le site antique dans l'
International Journal of Nautical Archeology.
Suite à l'immersion malencontreuse de gros blocs de béton au pied du
phare, le service des antiquités a sollicité le Centre d'études alexandrines (CEAlex), créé par Jean-Yves Empereur, et son équipe de plongeurs pour étudier les fonds entourant le fort Qaitbay. Depuis 1994, plus de 3 000 blocs, dont plus des 2/3 sont des blocs architecturaux, ont été recensés. Pour cela, des dizaines de blocs ont été remontés à la surface grâce à des ballons mais c'est un travail difficile et cela explique la lenteur des travaux dans la zone. Le CEAlex a tout de même réussi à cartographier complètement le site, et il ne reste plus aujourd'hui qu'à étudier les blocs.
Beaucoup de fragments de colonnes ont été retrouvés mais leurs bases et les chapiteaux sont en revanche plus rares. En effet, ils ont souvent été réutilisés dans des constructions plus tardives (mosquées, citernes). On a retrouvé aussi une demi douzaine de colonnes importées à Alexandrie et portant le cartouche de Ramsès II, vingt-huit sphinx datés de différents règnes (Sésostris II, Psammétique II) et des obélisques signés Séthi I.
Mais il s'agissait évidemment de prouver que ces blocs provenaient effectivement du
phare. On a retrouvé des encadrements de porte, par exemple en granit d'Assouan, particulièrement massifs : 11,5 mètres de haut pour un poids de plus de soixante-dix tonnes. On imagine donc assez difficilement que ces blocs aient pu être déplacés. Et ils ont été trouvés au pied du fort Qaitbay. Quand on compare ces données avec les sources antiques qui indiquent que le phare se trouvait sur le site du fort et qu'il a été détruit par les tremblements de terre, on peut supposer que ces encadrements de porte proviennent du
phare. De plus, une source du XIIe, nous révèle que les pièces du
phare étaient scellées les unes aux autres par du plomb fondu et lors des fouilles on a retrouvé des blocs où étaient fixées des broches de plomb, métal qui d'ailleurs se trouve en grande quantité dans la zone entourant le fort. Un chercheur du CEAlex, Mourad El Amoury, a mené des études sur les modes d'assemblage entre les cavités de scellement présentes sur les éléments architecturaux et les plombs de scellement retrouvés lors des fouilles, confirmant cette technique de scellement utilisée lors de la construction du
phare .
L'emplacement du
phare est toutefois mis en doute par Jean Yoyotte qui, dans les commentaires du
Voyage en Égypte de Strabon, trouve cette théorie « discutable »
. Il s'appuie pour cela sur les blocs de pierre retrouvés au pied du fort Qaitbay dont la disposition sur le site ne correspond pas, selon lui, à l'ordre qui aurait du être observé suite à un effondrement. Pour Yoyotte, il ne faudrait donc pas négliger l'hypothèse
selon laquelle il pourrait s'agir en fait de récifs artificiels construits pour protéger la côte des bateaux ennemis.
Le
phare d'Alexandrie, en partie englouti par les eaux, restera à tout jamais un mystère. Même si de nombreuses hypothèses se succèdent pour discerner ce à quoi il ressemblait à l'époque, jamais nous ne pourrons avoir une représentation exacte de ce qu'il fut. C'est ce qui fait sa force, a forgé sa légende, et en a fait l'une des merveilles du monde.
Voici quelques liens sur cet extraordinaire monument, dont j'ai fait usage pour ce texte :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Phare_d'Alexandriehttp://7merveilles.free.fr/index.php?rub=pharehttp://www.l-egypte.com/phare-alexandrie.html