Monnaies de l'empire de Nicée

Cette année j'ai eu l'occasion d'acquérir une petite quinzaine de trachy de Théodore. Il s'agit de monnaies considérées comme plutôt courantes dans le Sear, les BC 2061 et 2062. Derrière la référence 2062 se cache en réalité une série de variantes assez surprenante dont aucun des ouvrages numismatiques byzantins à ma disposition ne fait état.

Je vais commencer aujourd'hui par une petite mise en contexte historique et puis je vous présenterais ces trachy étonnants en espérant faire avancer cette énigme que présente ces nombreuses variantes.

La création de l’empire de Nicée

Théodore Lascaris avait environ trente ans au moment du sac de Constantinople par les latins lors de la IVème Croisade. Fils d’une famille de notables byzantins, il épousa Anna, la deuxième fille de l'empereur Alexis III. Après la chute de la ville, voyant que tout était perdu, il fuit avec sa femme et ses trois filles pour rejoindre les plaines fertiles de Bithynie, à Prusa aux alentours de Nicée.
Le traité de partage de 1204 a éclaté une grande partie de l'Asie Mineure en différents duchés, dont celui de Nicée qui fut accordé par Baudoin I au comte Louis de Blois, un riche et redoutable noble, qui était le neveu du roi d'Angleterre et qui avait tenu la bannière au couronnement du premier empereur latin.
Durant l’année 1205, la mainmise des latins sur l'ensemble du nord-ouest de l'Asie Mineure se confirma suite à plusieurs défaites des armées Grecques, seules Nicée et Prusa résistèrent encore. Suite à des attaques du Tsar Bulgare en Thrace, Baudoin rappela son frère et ses lieutenants en Trace, Le premier et le dernier duc français de Nicée tomba dans une embuscade bulgare près de Philippopolis, sans jamais avoir mis les pieds dans son duché.
Suite au départ des Francs, Théodore occupa les territoires évacués et sa persévérance sembla justifier le titre impérial revendiqué. Ainsi, au printemps 1206, deux ans après sa fuite de la ville déchue, Théodore Lascaris fut couronné à Nicée.
Dans les années, une seconde invasion franque fût suivie de nombreux combats entre les francs et Lascaris et les grecs reprirent les sites stratégiques de Cyzique et Nicomédie.
Un nouvel ennemi fit son apparition, l’empereur fugitif Alexis III protégé par la cour du monarque Seljuk Kai- Khusru I. En juin 1211, une batille eu lieu entre Théodore et Alexis III aidé par les armées Seldjoukides à Antioche du Méandre. L’histoire indique que le sultan a porté un coup énorme sur la tête de Théodore, qui le fit tomber de son cheval. Pendant un moment, l'empereur semblait être à la merci de son adversaire, mais avec une grande présence d'esprit il tira son épée, et sectionna les pattes postérieures de la jument qui le Sultan montait. Kai-Khusru tomba, et en un instant, sa tête fut coupée et collée sur une lance en pleine vue de son armée. Théodore ramena Alexis à Nicée, et selon la coutume l'aveugla et l’emprisonna dans un monastère de où il mourut. Ce triomphe spectaculaire resta longtemps célèbre, Théodore était l’empereur victorieux qui avait mis en déroute les Turcs invincibles jusqu'alors.
Cependant une troisième invasion franque réussi à déstabiliser les grecs de Théodore. Les deux armées se rencontrèrent à la rivière Rhyndakos le 15 Octobre 1211 et la bataille tourna à l’avantage des armées d’Henri de Hainaut, Par la suite une paix fut signée entre les deux puissances.
En 1214 ou 1215 ; à l’occasion d’un raid Théodore fut capturé par les seldjoukides, le Sultan Kai Kaus qui n’avait pas oublié la mort de son père, se contenta cependant d’une rançon et de la cession de plusieurs châteaux et de villes.
Théodore épousa même la fille de l'impératrice latine Yolande, Maria de Courtenay, fille de Pierre II de Courtenay et sœur de Robert de Courtenay. Un coup politique qui aurait pu lui donner une légitimité au trône de Constantinople. En 1221, durant l'interrègne qui suivi la mort de Pierre II et l’arrivée de l'empereur Robert à Constantinople, une attaque de Théodore contre la ville avorta. Théodore mourut en 1222 et fut posée à côté de sa première épouse et son père Alexis III dans le monastère de Hyakinthos à Nicée.
John Ducas Vatatzès, époux de sa fille ainée Irène lui succéda.
Durant les dernières années et plus pacifiques de son règne, Théodore encouragea le commerce avec les Vénitiens, à qui il a accordé la liberté de droits de douanes dans tout son empire, et pour cela, un bon système de monnayage fut nécessaire.
Théodore restera le fondateur de l'empire de Nicée que ses successeurs conduiront jusqu'à la restauration de l’empire Byzantin en 1261.

Source : http://www.cristoraul.com/ENGLISH/MedievalHistory/Cambridge/IV/16-Nicaea_Empire.html

Excellente mise au point! Merci d'avoir pris ce temps pour contextualiser des monnaies que l'on admirera avec encore plus de plaisir!  

   

 l'entrée en matière

Le second monnayage

Trachy émis à Nicée représentant le Christ à l’avers et Théodore Ier au revers.
Daté de 1208 par Hendy

A l'avers IC XC, Le Christ barbu et nimbé assit de face sur un trône sans dossier tenant les Évangiles de la main gauche.
Au revers ΘЄOΔωPOC ΔЄCΠOTHC KOMNHNOC O ΛACKAPHC en deux colonnes, Théodore couronné, debout de face, vêtu du stemma avec pendilla, divitision et du chlamys, tenant un sceptre en forme de croix de la main droite et l'anexikakia de la main gauche. Dans le champ à droite, la main de Dieu bénissant l’empereur.

Disposition de la légende en colonne sur le revers des monnaies du type :

A gauche : 
ΘЄO
Δω
POC
ΔЄC
ΠO
THC 

Et au revers :
KOM
NH
NOC
OΛ
AC
KA
PHC

Références : BC 2062 - Asmolean 161 à 185 - DOC IV pl XXVIII 6

Là ou le DOC ne référence que 4 variantes avec la présence d'étoiles ou non à gauche et à droite du Chlamys au revers ou à gauche et à droite du Christ à l'avers, nous allons voir qu'il existe de nombreux autres éléments notables permettant d’identifier des variantes.

A noter que ces trachy sont souvent avec des accidents frappes de type double frappe, avec des légendes incomplètes. Les exemplaires qui vont suivre sont de qualité très correcte.

Un premier exemplaire BC 2062 de type Asmolean 161 - DOC IV pl XXVIII 6.2


- le bas du chlamys est décoré avec des losanges et des points.

Ce trachy correspond à la version standard du BC 2062, nous  allons voir par la suite les variantes de style et de motifs de ce monnayage

   

On attend la suite avec impatience 

Icos a écrit:

On attend la suite avec impatience 

  vite la suite tu vas pas nous faire ça style séries américaines (sur des années, je n'ai plus le temps) il nous faut du journalier...(plus belle la vie  ) Bon super début des plus intéressants!!

alric33 a écrit:

Icos a écrit:

On attend la suite avec impatience 

  vite la suite tu vas pas nous faire ça style séries américaines (sur des années, je n'ai plus le temps) il nous faut du journalier...(plus belle la vie  ) Bon super début des plus intéressants!!

Bon, je ne sais pas si je vais avoir le temps de vous en poster tous les soirs, mais bon j'en ai pas tant que çà des Théodores, d'ici une semaine ou 2 on aura fait le tour

très intéressant tout ça

pour la traduction, est ce que c'est ça ?
ΘЄOΔωPOC
Théodore
ΔЄCΠOTHC
despote
KOMNHNOC
Comnène
O ΛACKAPHC
et Lascaris

En effet PYL, çà doit être la bonne traduction 

Un troisième exemplaire BC 2062 de type Asmolean 184 - non référencé dans le DOC



Eléments à noter sur cet exemplaire, à l'avers : 
- les étoiles à gauche et à droite du Christ

Au revers : 
- à priori sans étoiles à gauche et à droite du Chlamys
- le sceptre en forme de croix à gauche
- l'anexkakia à droite 
- un globule au dessus du stemma
- le stemma (couronne) avec les pendillas tombant du type IΣT' : 
- le chlamys est avec une grande double boucle semi circulaire ornée de perles de forme suivante : 

Un quatrième exemplaire BC 2062 non référencé ni dans le Asmolean ni dans le DOC



Eléments à noter sur cet exemplaire, au revers : 
- à priori sans étoiles à gauche et à droite du Chlamys
- le sceptre en forme de croix à gauche
- l'anexkakia non visible à droite (frappe incomplète)
- un globule au dessus du stemma
- le collier est interrompu à gauche par la bande de perle du verticale loros !!
- le stemma (couronne) avec les pendillas tombant du type IH' : 
- le chlamys est avec une double boucle semi circulaire avec une perle à l'intérieure de forme suivante : 

La dernière a un super pédigré  
Merci pour ce post très intéressant

Icos a écrit:

La dernière a un super pédigré  
Merci pour ce post très intéressant

Tu l'as reconnu, une inédite finalement

 On continue la série avec deux autres variantes visiblement non référencées !


Un cinquième exemplaire BC 2062 non référencé ni dans le Asmolean ni dans le DOC

Eléments à noter sur cet exemplaire, à l'avers :
- Etoiles à gauche et à droite du Christ
au revers : 
- à priori sans étoiles à gauche et à droite du Chlamys
- le sceptre en forme de croix à gauche
- l'anexkakia non visible à droite (frappe incomplète)
- le stemma (couronne) avec les pendillas tombant du type IΔ' : 

- le chlamys est avec une décoration très spécifique de forme suivante : 

Un sixième exemplaire BC 2062 d'un style très particulier non référencé ni dans le Asmolean ni dans le DOC

Eléments à noter sur cet exemplaire, au revers : 
- à priori sans étoiles à gauche et à droite du Chlamys
- visiblement absence de le sceptre en forme de croix à gauche et çà n'est pas un problème de frappe incomplète
- l'anexkakia visible à droite
- trois globules au dessus du stemma
- le stemma (couronne) avec les pendillas tombant du type IΔ' :
- le chlamys est avec une décoration boucle dégénérée en forme courbe très spécifique : 

Je n'avais pas vu la suite  

Il a un peu une gueule de Latin lui aussi

Icos a écrit:

Il a un peu une gueule de Latin lui aussi

Une info que je n'ai pas écrite, le dernier semble d'un alliage différent, il y a surement de l'étain avec le cuivre.

tu as la taille et le poids ?

2,3 g et 28 mm !

Regardes la sb 2056

En fait le problème c'est que sur la 2056, l'empereur tient un globe crucigère et pas un anexkakia e plus le visage est assez différent.
Par contre j'ai trouvé pas mal de détails communs entre des latines et ce 6ème, la forme du bras gauche avec est simplifié par rapport à mes autres exemplaires, les bandes de perles sont aussi beaucoup plus larges que sur les autres exemplaires. 
Le sear référence une imitation latine du BC 2061, mais pas pour le 2062. Il est bien possible que certains de mes exemplaires dont ce dernier seraient des exemplaires d'imitation à priori latine de ce 2062.

je pense aussi