Pour la deuxieme fois,
voici la synthèse de mes observations sur les contresignatures sur les deniers république
(que j'ai récupèré sur le site de nos amis espagnols ouf !!!)
Le monnayage d’argent prit son essor pendant la République Romaine avec la création du denier en 211 av J.C, succédant ainsi aux émissions de Didrachmes Romano-Campanéens. La monnaie circulait de façon intensive sur le territoire régit par la République servant aux échanges commerciaux naissants, aux paiements des soldes des soldats et le numéraire venait souvent à manquer durant de nombreuses périodes difficiles. Les guerres « expansionnistes » permettaient aussi de fournir à Rome l’occasion de pallier au manque de métaux afin de subvenir au besoin croissant de monnaies dans la république. Ainsi, après chaque victoire sur l’ennemi, les consuls ramenaient à Rome un butin en Talens d’or et d’argent qui permettaient de frapper encore plus de monnaies.
Les fausses monnaies firent aussi très vite leurs apparitions ; certains disent que pour sécuriser la frappe, on créa le denier Serratus, évitant les monnaies fourrées, mais les faussaires étaient aussi de vrais artistes et la difficulté technique fut vite imitée. On créa alors un système de contrôle (cf. article sur les marques de contrôle). Puis on vit apparaitre des signatures post frappe sur les deniers appelées contresignatures ou signature de banquier.
Différences entre monnaies contremarquées et monnaies contresignées : Les
contresignatures sont des signes archaïques en creux, traduisant la validité de la monnaie, poinçonnée postérieurement à la frappe.
Il existe aussi de véritables
contremarques (empreintes appliquées sur le flan de la monnaie à une époque postérieure à son émission à l'aide d'un poinçon produisant une empreinte en relief et plus rarement en creux).
Ces contremarques se rencontrent sur un certain nombre de monnaie de la République pour indiquer qu'elles n'étaient pas démonétisées et qu'elles avaient cours au même titre que les monnaies émises sous le règne d'un empereur. (Tibère, Néron, Vespasien).
A titre d'exemple, on trouve des deniers République contremarqués de la sorte sous Vespasien. Un poinçon VESP ou IMPVESP (en monogramme) y est gravé en relief. La principale raison qui poussa Vespasien à remettre ces deniers république en circulation fut sans doute la pénurie d'argent et la préférence des Germains pour les anciens deniers.
Denier Marcia avec contremarque IMPVESP en monogramme (Marcantica)
A quelle période rencontre t on ces signatures ?Ces contresignatures apparaissent sous la République romaine et se prolonge jusque vers la fin du Ier siècle. Notons une forte présence de ces signatures sur les deniers de la fin de la République. En effet, les deniers du deuxième Triumvir (Marc-Antoine, Octave, Lépide) sont abondamment contresignés. Ceci peut s’expliquer par les frappes hors de Rome de deniers issus d’atelier militaire revenant dans l’Urbs et ainsi validé par les banquiers. L’apparition abondante de nouvelles monnaies venu de l’extérieur du territoire italien devait créer le doute chez les citoyens romains, découvrant par la même une nouvelle iconographie émanant de trois personnages différents de l’état venant hors de Rome.
Le cas du Didrachme contresigné est unique. Il est signalé par Ernest Babelon. Ce Didrachme contresigné a probablement circulé après la création du denier (211 av J.C), attestant par sa signature de sa valeur égale à celle d’un denier. C’est un cas notable de dévaluation et d’utilisation d’une monnaie existante, restant en circulation lorsque les besoins en numéraire étaient importants.
Méthode de marquage des contresignatures :Ces signes, restant très archaïques, étaient imprimés dans le métal à l’aide d’un simple poinçon. En imprimant un coup de marteau sur le poinçon à l’avers ou au revers de la monnaie, cette dernière subissait une dépression métallique en creux, laissant une trace ineffaçable par la suite. Le poinçonnage a lieu sur les espèces en métaux précieux, l'or et l'argent.
Certaines monnaies de bronze contresignées par les banquiers proviennent le plus souvent des territoires des colonies romaines. Poinçonnées ainsi, elles recevaient l’aval de l’état et avaient la même valeur que les bronzes émis par la République.
Qui apposait ces contresignatures et quel était leur rôle ?Plusieurs hypothèses méritent d’être exposées :
La première hypothèse date de 1903 émise par Gnecchi qui signale ces contresignatures. Ces signes seraient donc des marques de banquiers (Argentarii ou Mensarii), de changeurs (Nummularii) ou d’autres commerçants qui, après avoir vérifiés le poids et la qualité du métal de ces monnaies les remettaient en circulation en apposant un signe différents selon le banquier à l’aide d’un poinçon. Certaines monnaies étant très usées, elles pouvaient paraitre douteuses. Le rôle de ses banquiers et changeurs était de remettre en circulation les monnaies officielles et de retirer les faux (monnaies fourrées et autres contrefaçons barbares). Il est vrai qu’à cette époque, de nombreuses monnaies faites par des ateliers de faussaires, imitations parfois difficile à déceler, circulaient dans les échanges monétaires et gangrenaient l’économie romaine.
a – Croquis d’un fond d’un vase peint représentant un changeur (signalé par Boldetti)La deuxième hypothèse serait plus en rapport avec l’identification locale du clientélisme de l’époque. Les clients étaient des citoyens qui travaillaient sur des terres mises à leurs dispositions par les patriciens. En effets, lorsque les patriciens payaient leurs clients pour leurs travaux agricoles, ils leur donnaient des deniers contresignés. Par la suite, lorsque les clients achetaient de la marchandise chez les commerçants, ces monnaies contresignées étaient alors un gage de confiance. Ces signes servaient donc à identifier le lien étroit entre le client et le riche patricien.
La troisième hypothèse est plus originale. Les monnaies contresignées auraient servi à payer des amendes et autres taxes. Marquées de la sorte, elles étaient identifiables et jouaient un rôle de timbre fiscal de l'époque ! Les Argentarii récupérant ces taxes, contresignaient les monnaies de l’impôt destinés à l’état.
Pour ma part, je pense que les trois emplois de poinçonnage peuvent avoir eu cours en même temps, à des degrés différents, expliquant alors les différences de nature de contresignatures rencontrées durant cette étude.
Etudes des différentes contresignatures rencontrées sur les deniers République :Le rapport d’étude que je vous livre ici sur les deniers de la République n’est pas exhaustif. L’étude repose sur l’observation des signes gravés après la frappe sur plus de 200 deniers contresignés, rencontrés dans les catalogues des ventes aux enchères internationales et issus de collections privées. Il n’y a pas eu à ma connaissance d’étude systématique de ses signatures de la République, si ce n’est des descriptions de certaines contresignatures dans des inventaires de trésors.
Voici un tableau faisant la synthèse des signatures que j’ai rencontré lors de mes recherches. Il est pour l’instant incomplet et sera mis à jour par la suite. J’ai volontairement adopté une méthodologie rigoureuse de comparaison afin d’écarter tous graffitis intempestifs pouvant être considérés comme signature. C’est pourquoi tous les signes de ce tableau ont été rencontrés au moins deux fois sur des monnaies décrites. Les cases comportant plusieurs signes rapportent des variantes de formes, d’orientation et de style des signatures et m’ont permis des rapprochements nécessaires pour que l’identification ultérieure en soit plus confortable.
b - Tableau regroupant les contresignatures rencontrées. (C.Oliva)
Fréquence des signes :
L’étude met en évidence que le signe le plus couramment apposé sur ces deniers est celui qui représente un S (cf. tableau : signature N°8). Il se rencontre sur plus de 65% des monnaies contresignées étudiées. La forme et la taille varient mais la signature reste la même. Son emploi abondant traduit vraisemblablement un rôle courant et commun à tous les banquiers, celui de vérifier l’authenticité des monnaies. Un seul banquier ne peut pas en effet contresigner des deniers durant 2 siècles et quasiment de la même façon ! Il me parait évident que cette signature a été reprise par plusieurs banquiers en même temps et pendant longtemps. Notons que la signature n°1 (arc de cercle) est aussi fréquente mais bien moins que la N°8.
Contresignature « S » sur un denier Scribonia (Coll.Chisco.Denarios.org)Les autres signatures paraissent moins méthodiques. Elles pourraient correspondre à mon avis à des signatures de patriciens de la seconde hypothèse et être apposées dans un but différent de celui qui authentifie les monnaies. On distinguera alors des signatures officielles de banquiers et des signatures de propriété de patriciens ou de riches commerçants.
Nature des signes :Afin de répertorier les différentes signatures, je propose un classement selon leur nature :
1)
Les signatures simples.Elles représentent des points (N°2,3 et 4), des cercles (N°2), des croix (N°10 et 11) et bien d’autres signes archaïques (N°5,6, 20) n’ayant aucune qualité artistique confirmant bien le rôle pratique de ses signatures. Elles sont gravées de façon aléatoire sur l’avers ou le revers des deniers. On peut y rajouter l’arabesque en forme de S du N°8 que j’estime être la marque d’authenticité du denier vérifié.
Signature simple en cercle sur denier Sissenia (coll. C.Oliva)
2)
Les signatures alphabétiques.
Il existe des contresignatures de nature alphabétique pouvant servir à différencier les nombreux patriciens et leurs clients (N°12, 13, 15, 16, 18, 24, 27). Ces lettres sont de tailles différentes et se retrouvent quelquefois nombreuses sur le même denier.
Le cas du denier contresigné plusieurs fois appelle quelques réflexions : certains deniers sont couverts de contresignatures simples et alphabétiques sur l’avers et le revers. Il serait peu crédible de penser qu’ils furent authentifié 4 voire 5 fois par des banquiers différents ! Vous conviendrez qu’autant de vérifications sur une seule et même monnaie n’est pas concevable. Je pense plutôt que ces deniers ont surement servi à de nombreuses transactions commerciales.
La particularité du signe N° 15 est que cette signature correspond à la lettre G. elle se rencontre surtout sur les deniers de Marc-Antoine. En effet, Grueber note dans le BMCRR que sur le monnayage de l'Est de Marc-Antoine, beaucoup d'émissions spéciales de monnaies des légions présentent une particularité : la forme de la lettre G se présente sous la forme d’une faucille.
Signature alphabétique « A » sur un denier Thoria comportant plusieurs signes (Coll. Carlos Jorge, Denarios.org)
3)
Les signatures complexes.
Ce sont des signatures de nature inconnue ou avec une combinaison de plusieurs natures. On peut noter le N°17 qui semble être un monogramme.
L’étude des contresignatures sur les monnaies d’argent de la République nous révèle la complexité d’un système ne pouvant pas être seulement destiné à valider les monnaies par les banquiers et les changeurs. Ces signatures auraient joué un rôle dans les échanges commerciaux et dans l’identification des patriciens ou autres riches commerçants en parallèle avec ces marques de validité monétaire.