Bonsoir à toutes et à tous.
Dans un de mes derniers posts, je vous avais dit que je vous parlerais des imitations des celtes du Danube. Imitations, bien entendu, de monnaies grecques. Le temps passe si vite et mon texte était resté sous le boisseau. Ce petit exposé à pour but de présenter des monnaies celtes empruntées au monnayage Grec mais aussi de mettre en garde les collectionneurs néophytes afin qu’ils ne jettent pas au rebut une monnaie authentique mais copiée.
Quels types de monnaies trouve-t-on ?
Les monnaies de Thassos et de Maronée (IIe- Ier siècles avant J-C) ont été abondamment copiées. Mais un peu d’histoire. Après 357 avant J-C, Thassos tombe sous la domination macédonienne. Elle regagne une partie de son indépendance lors de la mort de Lysimaque en 281 avant J-C. Après la défaite de Cynoscéphale en 197 avant J-C (bataille qui eut lieu en Théssalie entre l’armée romaine commandée par Titus Quinctius flamininus et celle de la dynastie Antigonide de Macédoine dirigée par Philippe V) Thassos redevient autonome. A partir de 148 ou 146 de J-C, le sénat romain autorise Thassos et Maronnée à monnayer des tétradrachmes de flan large qui furent frappés en très grosse quantité et imités dans les Balkans jusqu’à la fin du Ier siècle avant J-C.
Le nouveau monnayage apparaît après la défaite d’Andriskos ou Andriscus (selon les auteurs) en 148 avant J-C et la réorganisation de la Macédoine en province romaine. (Andriscus est le nom d’un aventurier originaire de Thrace, également connu sous l’appellation de Pseudo Philippe qui se proclame roi de Macédoine en 149 avant J-C).Il durera jusqu’au début du premier siècle avant notre ère. Pour Maronée le début du monnayage date de 189 avant J-C et dure jusqu’en 45/44 avant J-C. La Thrace possédait d’importantes mines d’argent dont la production servait à frapper les tétradrachmes de Thasos et de Maronée. Ces grandes pièces d’argent représentent toutes deux au droit le portrait juvénile de Dionysos et au revers Dionysos en pied pour Maronée et Hercule (nu la leonté flottant sur l’épaule et tenant de la main droite une massue) pour Thasos, héros de leurs cités. Les monogrammes du revers sont les initiales de magistrats monétaires chargés de la vérification des monnaies. Les graveurs Celtes, du Danube s’emparent du type de Thasos et vont le copier parfois très grossièrement lui donnant une singulière naïveté. Certains tétradrachmes sont d’un style si dégénéré que les monogrammes du revers n’apparaissent plus que sous la forme de globules et de traits. Un ami possédait dans sa collection un tétradrachme fourré de la même période. Ce qui est commun pour le type initial mais rare pour une copie des Celtes du Danube.
Les imitations des tétradrachmes de Philippe II et de ses successeurs.Par se titre, je rassemble tous les monnayages qui ne possèdent pas d’attribution précise mais qui peuvent être l’œuvre des Celtes de l’Est et du moyen Danube. Après avoir pillé Delphes et s’être répandus en Grèce et en Asie Mineure, ils s’emparent, grâce à leurs pillages, d’un colossal butin. Les rois hellénistiques, Diadoques et Epigones les utilisèrent comme mercenaires dans leurs armées.
Diadoques, en Grec ancien Diadokhos, veut dire « successeur » ce mot vient de dia « par » dekhomai « reçevoir » c’est à dire littéralement « celui par qui le sceptre est transmis ». Dans l’antiquité, c’est le nom donné aux généraux successeurs d’Alexandre le Grand qui se partagèrent son empire après sa mort, Antigone le Borgne, Antipater Asandros, Cassandre de Macédoine, Eumène de Cardia, Léonnatos, Lysimaque, Méléagre, Peithon, Perdiccas, Polyperchon, Ptolémée, Séleucos.
Epigones, du grec ancien épigonos, « descendant, né après ». Dans la mythologie grecque un des descendants des sept chefs tués devant Thèbes. Sous la conduite d’Adraste les Epigones rasèrent Thèbes.
Les monnaies qui portent à l’avers la tête de Zeus et au revers un cavalier furent abondamment copiées dans l’ensemble des Balkans, le nord de la Macédoine et de la Thrace. Au début du II siècle avant J-C, malgré un style allégrement remanié, la pièce reste néanmoins reconnaissable. Au premier siècle avant J-C, la surproduction et la copie de copies altèrent considérablement le style de la monnaie initiale. Le superbe portrait de Zeus de l’avers ne ressemble plus qu’à une simple forme bombée et il ne subsiste plus du revers que quelques traits et globules supposés représenter le cavalier. Le monnayage avec le cavalier passant débute après la victoire des chevaux de Philippe aux jeux Olympiques. Ce type semble être frappé jusqu’à son assassinat en 336 avant J-C. Si le statère d’or de Philippe II de Macédoine fut fortement copié par certains peuples gaulois, le tétradrachme, lui, n’a pas été imité en gaule mais reste le principal sujet d’inspiration des Celtes du Danube. On trouve souvent, dans ce genre de monnayage, des exemplaires portant des traces de coups de burin ou de cisailles. Suivant quelques auteurs, elles étaient mutilées afin d’être offertes aux dieux. Pour d’autres, les coups de burin étaient une sorte de contrôle permettant de voir si la monnaie ne possédait pas une âme de métal vile.
Les imitations des tétradrachmes d’Alexandre III et de ses successeurs.Les imitations du tétradrachme d’Alexandre le Grand sont très courantes. Je veux, bien sur, parler du type à la tête imberbe d’Héraklés à droite, coiffée de la léonté à l’avers, et de Zeus assis à gauche, tenant un aigle de la main droite et un sceptre long de la main gauche au revers. Ces monnaies sont d’un style tellement dégénéré que le beau portrait d’Héraklés ne ressemble plus qu’à une vague forme bombée. Le revers, quant à lui, reste toutefois très identifiable. Les drachmes se trouvent également facilement et leur style varie suivant l’endroit où elles ont été frappées.
Je ne possède pas, dans mes collections, de monnaies des Celtes du Danube, mais je voulais rendre hommage à ces graveurs qui ont su perpétrer, à travers les siècles, l’usage de ce beau numéraire. La monnaie Grecque fut copiée de tout temps. Si au hasard de vos pérégrinations, vous trouvez un tétradrachme de Philippe au style lourd, il n’est pas forcément faux, il peut s’agir de l’une de ces monnaies.
La hantise du collectionneur est, bien sur, la contrefaçon mais il faut savoir que, de tous temps, les monnaies ont été copiées. Il faut toutefois faire la différence entre un faux réalisé pour duper et une copie réalisée par exaltation et admiration.
Ce petit sujet, je l’ai écrit en puisant allégrement dans Celtic II, catalogue fort bien rédigé et je salut au passage ses auteurs.
Je citerai quelques ouvrages concernant les monnaies Celtes du Danube.
Description des médailles gauloises faisant partie des collections de la bibliothèque royale par Adolphe Duchalais, Paris 1846. Dépassé pour certains, mais il reste un bon document pour les recherches.
Le « La Tour », un peu désuet, mais il reste, tout de même, un ouvrage de référence.
Le Kostial, Kelten im Osten, Gold und Silber der Kelten in Mittel-und Osteuropa, Müchen, 1997.
L.-P. Delestrée, M Tache, Nouvel atlas des monnaies Gauloises.
Cette liste est loin d’être exhaustive, Madame Simone Scheers a, elle aussi, écrit de nombreux ouvrages fort intéressants concernant le monnayage Celte.
Voilà ce que j’avais à vous dire sur ces copies si originales.
A bientôt.
Le Professeur Brrr.