Le moustique en Perse Sassanide

Un grand pour ce documentaire très instructif !

Je découvre un sujet que je connaissais mal mais qui m'a toujours fasciné...

Merci encore une fois !

@ Tous, merci de vos commentaires.

@Bruno: Je suis loin d'être sûr que Valérien ait été enterré, en tout cas au ses chrétien. Il ya a fort à parier qu'il ait subi les rites funéraires alors en vigueur: corps livré aux charognards, puis os déposés dans un Ostodan (ostothèque rupestre, sorte de niche taillée dans le roc) comme il en existe des milliers dans le coin. A noter que certains sont marqués du nom du défunt voire d'une croix, signalant un chrétien. Je doute qu'en temps que prisonnier, le romain ait eu droit à ces égards. En revanche, les traces de la Legio VI Ferrata restent très visibles en Iran, de part les nombreux ouvrages que 70000 de ses légionnaires ont laissé une fois prisonniers de Shapur: Shustar (Barrage sur le Dez, pont, moulins à eau), Bishapur (Ville)... J'ai pas mal d'images que je montrerais un de ces 4...

superbes photos de monuments que je ne connaissais même pas
merci !

Citation :

pas mal d'images que je montrerais un de ces 4...

Avec plaisir !!

@chut: le palais de Shapur à Ctesiphon (photo Wikimedia Commons): http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ctesiphon,_Iraq_(2117465493).jpg?uselang=fr A noter que le nom local de ce palais Tagkasra, dérive du Persan Taq-e Khosrow qui veut dire "l'arche de Khosrow".

Quand le Roi des rois sassanide Shapur Ier vainquit l'empereur romain Valérien il ordonna la construction, par les soldats romains prisonniers, d'un grand pont/digue de plus de 550 mètres, connu sous le nom de Pont de César / Band-e Qaisar. Actuellement en rénovation.

c'est exactement ce pont. Le premier Pont barrage réalisé en iran, dont il reste encore une partie émergée, et une autre immergée que l'on peut toutefois passer quand le niveau du Dez est bas en été. Une tour sassanide (Bordj) se trouve juste à côté. Je me souviens d'y avoir mangé une truite rôtie dans ses épices en appréciant le soleil tombant et la douceur du soir... Un pure délice.

Cher dynamo, tu nous causes trop d'envie !

dynamosquito a écrit:

c'est exactement ce pont. Le premier Pont barrage réalisé en iran, dont il reste encore une partie émergée, et une autre immergée que l'on peut toutefois passer quand le niveau du Dez est bas en été. Une tour sassanide (Bordj) se trouve juste à côté. Je me souviens d'y avoir mangé une truite rôtie dans ses épices en appréciant le soleil tombant et la douceur du soir... Un pure délice.

Il y a des truites dans les rivières iraniennes ....?????

Ben oui, et celles du Dez et de la Karun y ont la réputation d'être les meilleures! Une autre des spécialités poissonnières du Khuzestan que j'ai goûté consistait en un ragoût de mérou au piment, au citron, et au sabz (littéralement "vert" ou "herbe") mélange d'herbes aromatiques, servi avec du riz blanc... Un de mes plus grand souvenirs...

Piruz Ier, accède au trône en 457, en se révoltant contre son frère Hormizd III. Le joyeux drille n'en reste pas là puisqu'il extermine ensuite sa famille. Il persécute les chrétiens, mais tolère les nestoriens alors installés en Orient ayant fui Byzance. Avec l'aide financière des Romains (sacrés Romains), il combat les Huns Hephtalites par 2 fois, avec 2 défaites cuisantes. La première fois, il est fait prisonnier et leur livre son Fils (futur Kavad Ier)F contre libération. Il est tué la seconde fois en 484...



Drachme d'argent, atelier incertain du Khuzestan, 4,1g pour 30mm. Avers: au sein d'un grenetis simple, le buste enrubanné du roi barbu portant sa 3ème couronne (crénellée à croissant frontal, surmontée d'ailes et d'un autre croissant) et korymbos. Inscription en Pahlavi . Revers montrant également au sein d'un grenetis simple un autel du feu surmonté d'un croisssant et d'une étoile, entouré de deux gardiens effectuant le geste sassanide de tribut au roi. Titulature en Pahlavi.

Suite des monnayages d'Ardeshir (et de mes radottages iranomaniaques):


Tetradrachme d’Ardeshir Ier le Grand. 10,7mm pour 12,8g, L’avers montre le buste du roi portant une tiare étoilée à couvre-oreilles, titulature illisible en Pehlavi. On peut noter l’absence surprenante du Korymbos, et donc la facture très Parthe de cette représentation royale. Le revers montre un large autel du feu dont les bords « surplombent » deux gardiens, et une titulature Pahlavie. Les revers des monnaies sassanides vont rapidement évoluer, les dimensions de l’autel vont diminuer surtout en largeur, permettant l’augmentation de la taille des gardiens et leur positionnement de part et d’autre de l’autel central.

Je vous avais déjà parlé sur les posts précédents du leg monumental d’Ardeshir à Firuzabad, mais ne vous avais pas parlé du relief Firuzabad II. Dans la gorge ouvrant sa ville-capitale de Gur, à proximité de la forteresse de Khaleh-ye Dokhtar, Ardeshir fait sculpter un relief d’investiture tout à fait novateur, proche d’un pont. Les dimensions du relief sont bien plus modestes que celles du relief précédent montrant sa victoire équestre contre Artaban V de Parthie. Situé sur un contrefort rocheux au dessus d’une rivière, le relief n’est accessible que quand celle-ci est à sec, c’est à dire l’été. L’ayant visité en 2007 au printemps, je n’avais pu le voir de près, et m’étais promis de le revoir ultérieurement, ce que j’ai fait l’an dernier. Le cadre du relief est grossier, n’ayant pas encore la forme rectangulaire que prendront bientôt les reliefs sassanides. Le thème de la scène et sa composition jettent un des canons du relief sassanide : l’investiture royale par Ahuramazda sous forme humaine. C’est en effet sous les sassanides que le dieu auparavant représenté (voir les reliefs Achéménides) sous une forme de protomé humain ailé au dessus d’un disque solaire, revêt une apparence humanisée, presque identique aux représentations royales : Ahuramazda est ainsi barbu, porte un vêtement sassanide et une tiare dont la forme évoque encore celle du dieu achéménide (qui sera bientôt remplacée par une couronne crénelée à long rubans). Par contre, il ne porte jamais d’épée, et donne au roi l’anneau de pouvoir (farshiang ou cydaris) enrubanné ainsi qu’un faisceau de bois (Barsom) symbole d’unité et de royauté. Cette apparence humaine va permettre aux aristes de réaliser une composition de plus en plus symétrique au cours du temps, dans laquelle roi et dieu sont mis sur le même plan et à la même hauteur (isocéphalie), ce qui bien évidemment, permet la divinisation de la stature du monarque. L’investiture est ici pedestre, par opposition à d’autres scènes d’investiture équestres qui seront également gravées par Ardeshir puis Shapur.

Le relief montre de gauche à droite Ahuramazda tenant le barsom de la main gauche et tendant de la main droite l’anneau au roi qui s’en saisit également de la main droite, la main gauche du monarrque effectuant le salut/hommage sassanide au dieu, index courbé vers le dieu. Derrière le roi, un enfant coiffé d’une tiare ornée d’une tête animale agite un protège mouche. Certains auteurs pensent qu’il s’agit de Shapur Ier, futur roi et fils d’Ardeshir, ainsi mis en position de successeur. Mais d’autres, s’appuyant sur le fait que Shapur était déjà adulte lors de l’accession d’Ardeshir au trône et ayant été représenté comme tel sur le relief de la victoire de Firuzabad I, voient plutôt son Fils futur Bahram Ier, petit fils d’ardeshir, shapur pouvant alors être le personnage suivant également entièrement représenté. Deux autres personnages dont le dernier incomplètement représenté, spectateurs de la scène qu’ils saluent du geste , seraient des nobles. A l’instar des reliefs Parthes, l’execution du relief est encore peu marquée en profondeur, même si elle l’est nettement plus que sur Firuzabad I. On peut noter que le vêtement reste encore très Parthe, surtout le pantalon. Le vêtement vas rapidement évoluer sous les sassanides, plus moulant au torse, et plus léger et plissé aux jambes bien que restant bouffant.

dynamo ! Excellent texte et des belles photos ! d'en partager.

et merci pour les explications.

Dynamosquito ,très intéressant ! ! !

Regrettable les graffitis, mais magnifique et très intéressant

@ tous: merci

@ Siècle: les graffitis sont hélas monnaie courante en Iran. Mais certains datant d'il y a déjà plusieur siècles font même l'objet de publications scientifiques comme les dessins, inscriptions ou signatures de Sassanides, d'Arabes, d'orientalistes et de militaires à Persépolis. Avec le temps, même les dégradations fournissent matière à archéologie.

Drachme de Bahram IV "Kermansham", atelier indécis, 3,7g pour26mm. Avers: grenetis simple, buste du roi portant sa couronne crénelée, ailée et enrubannée surmontée du korymbos, titulature Pahlavie. revers: grenetis simple, 2 gardiens armés d'épées et portant couronnes étoilées entourent l'autel du feu rubanné, inscriptions pahlevies.


On doit à Bahram IV, ancien gouverneur de Kerman sous le règne de Shapour III son père, et surnommé ainsi "Kerman shah" (roi de Kerman), la fondation de la ville éponyme de Kermanshah au sud du Kurdistan iranien. On note que le site de Taq-e Bostan était déjà important pour les sassanides puisque c'est sous Shapour II puis Shapour III qu'y ont été gravés des reliefs rupestres, ce site étant situé sur l'actuelle Kermanshah, devait être à proximité de la ville antique. A part celà, il est connu pour avoir signé de nombreux traités avec les romains, arméniens, et huns hephtalites, ce que ne lui ont pas pardonné ses administré car il semble avoir été tué par ses propres soldats révoltés.

Merci pour tes explications et ces superbes photos.

Bonjour dynamosquito.

Tout d'abord bravo pour tous tes sujets sur les monnaies antiques orientales, je les ai dévorés.
Celui-ci est particulièrement remarquable : la mise en relation des photos de terrain avec le monnayage est tout simplement délicieuse.

Je vais souvent travailler à la Bnf et au Cabinet des médailles, j'en ai profité cette semaine pour ramener quelques photos d’œuvres que tu dois connaître mais que j'ai trouvé sympathiques.


Dinar de Khosrow I (590-628), Drahm de Khosrow II (590-628), Dhram arabo-sassanide de Sûfian (665-672), Drahm arabo-sassanide de Yûsûf (695).




Plat en argent doré, niellé, gravé et ciselé, VIIème siècle, montrant Khosrow Ier chassant.

Merci Ghulyalim, tant pour la gentillesse de ton commentaire que pour ces belles photos. Le dinar est magnifique. Les monnaies arabo-sassanides sont également fascinantes, de par la transition culturelle et sociale complexe dont elles témoingent. Après l'invasion musulmane du plateau iranien, de nouvelles élites se mettent en place, arabes ou autochtones convertis, l'Islam donnant alors accès au pouvoir à certains qui en étaient jusqu'ici exclus par l'ancien ordre monarcho-religieux. Ce bouleversement est rapidement progressif, et les monnaies sont, parmi les symboles de pouvoir, ceux qu'il est nécessaire de mettre en oeuvre le plus rapidement lors d'un tel changement. Or, les arabes ne disposent pour ce faire que des artistes monnayeurs en place, ils utilisent alors les canons sassanides, qu'ils adaptent en y incluant la signature en arabe du gouverneur, ainsi que l'en tête " Bism Allah " (Au nom de Dieu). Ce qui est marquant, est qu'à cette époque, coexistent sur des monnaies islamiques des représentations figurées (portrait de roi) traditionellement exclues du champ iconographique islamique, des symboles religieux zoroastriens (autel du feu, images mazdéennes) avec la référence au dieu unique. De nombreux autres supports témoignent du mixage original de ces temps : pierres tombales aux symboles mixtes, graffitis, voire inscriptions arabes sur des monuments perses, martèlement de visages sur des reliefs...

Le camée et le plat sont effectivement incroyables, magnifiques, et, bien entendu, extrêmement connus, figurant en bonne place dans quasiment tout bouquin sérieux sur l'art sassanide.

Shapur II (309-379 CE), est le souverain dont le règne fût incontestablement le plus long de la dynastie sassanide. Cette durée exceptionnelle tient non seulement de la longévité importante du monarque, mais également du fait (on ne peut plus exceptionnel) qu’il fût couronné in utero, avant même sa naissance, par l’apposition de la couronne sur le ventre gestant de sa mère. En effet, Adhur Narseh, fils aîné et successeur d’Hormizd II a été assassiné après quelques mois de règne par des nobles perses qui se débarrassent également des deux autres fils d'Hormizd II prétendants au trône. Les nobles se mettent ensuite d’accord pour nommer roi l’enfant à naître et gouverner le pays jusqu’à ce qu’il ait l’âge de régner. On note que l’empire reste stable sous cette régence, ce qui laisse penser qu’il était alors relativement sécurisé, l’empire romain est alors suffisamment occupé par ses propres affaires et laisse la Perse en paix respectant le pacte signé par Dioclétien avec Narseh. A cette période, la Perse fait néanmoins les frais d’incursions dévastatrices de tribus arabes en provenance du golfe persique, qui mettent à sac Ardashir Kwarrah (Firuzabad) et pillent le Fars.

Le règne de Shapur II est marqué par de nombreuses guerres et une nouvelle expansion territoriale de l’empire qui connaît une deuxième apogée, la première datant de Shapur Ier. C’est à l’âge de 16 ans (325) que Shapur II accède de fait au trône et mène immédiatement une campagne dévastatrice contre les tribus arabes. Le golfe Persique : péninsule arabique et Assuristan (pays assyrien, c’est à dire Iraq et partie de la Syrie) sont alors mis à sac et envahis. Plusieurs tribus arabes sont déportées, par celui qui est nommé par les auteurs classiques arabes « lui qui perce les épaules » (je ne suis pas spécialiste de l’arabe classique, mais je pense qu’il s’agit d’amputations, désarticulations, ou arrachages de membres) et dont la cruauté et la brutalité sont soulignés, celles qui ne se soumettent pas sont repoussées dans les zones arides et centrales de l’Arabie. Shapur II entreprend également la construction du « war-i tazigan » mur de protection en Mésopotamie dit « mur des arabes » et procède à la destruction de qanats (canaux d’irrigations). En 338, après 4 décennies de paix avec les romains, la confrontation entre les 2 empires ennemis reprend : le soutien de Rome à l’Arménie convertie au christianisme pousse Shapur II à y mener une campagne qui se heurte aux lignes de défenses romaines fortifiées bien organisées. Les combats se portent également en Syrie, et si plusieurs places fortes tombent, l’Arménie n’est pas soumise. La guerre avec Rome cesse finalement vers 350, quand les Kidarites menacent l’empire. Shapur II combat à l’Est et au Nord, et y soumet ou pacifie des territoires Saces et scythes, Kushan, Turan (terme désignant territoires et tribus au Nord), le Sistan, la Margiane, la Sogdiane, la Drangiane, l’Arachosie, la Gedrosie, et l’Hyrcanie. De nombreuses monnaies d’or et de cuivre viennent témoigner de la domination Sassanide sur les ateliers de l’Est à cette époque, confirmant les écrits des auteurs classiques arabo-persans. Aidés de ses nouveaux alliés et sujets de l’Est, Shapur II revient en Syrie en 359, et y conquiert Amida, déportant la population vers le Khuzestan, ce qui provoque une contre attaque romaine en 361 : Julien l’apostat remporte plusieurs victoires contre les Perses, notamment à Antioche et met même le siège à Ctésiphon. Sans doute trop optimiste, le romain fait graver une stèle en Jordanie portant l’inscription quelque peu prématurée « BARBARORVM EXTINCTORI », et fait détruire sa flotte afin de n’avoir pas de possibilité de retraite et de forcer ses troupes à l’attaque. Shapur II pratique alors la tactique de la terre brûlée en Mésopotamie, poussant les légions à la famine. La bataille finale a lieu en 363 et se solde par la défaite romaine, Julien étant tué par un « Kontophoroi » (cataphractaire), fameux cavaliers sassanides lourdement armés. Le successeur de Julien, Jovien, ne peut que céder la Mésopotamie, l’Arménie et la Georgie aux perses, concluant la paix par ce qui sera appelé à Rome l’ « Ignobili decreto ». Le décret consacre de fait la déportation des populations christianisées en territoire romain, et le joug perse sur les nouvelles provinces sassanides. L’Arménie ne restera néanmoins pas longtemps Perse, Rome y intervenant de nouveau en 367 pour placer un vassal, Arsace, sur le trône. Une nouvelle campagne de Shapur II en Arménie se solde par un échec en 371.

Les victoires et conquêtes de Shapur II vont se traduire par une réorganisation démographique et des infrastructures de l’empire, s’opérant principalement au Khuzestan et dans les provinces de l’Est (Khorasan, Sistan), délaissant la province originelle de Fars. Il déporte de nombreuses populations pour y peupler des zones à faible démographie, et fait construire routes, ponts, autels du feu, et places fortes par les prisonniers de guerre. Il fonde de nouvelles villes, et fait reconstruire Neyshapur. Ce fait témoigne d’un déplacement du centre économico-politique de l’empire du Fars vers le Nord sous le règne d’un roi séjournant peu en Fars du fait de ses nombreuses campagnes.

Pour diriger son empire, Shapur II s’appuie sur une idéologie religieuse zoroastrienne dure , relayée par un clergé parfaitement organisé et au service du pouvoir royal. Du fait de ses nombreuses confrontations avec Rome et les provinces christianisées, le christianisme est rapidement considéré comme une idéologie dangereuse pour l’empire. La fidélité des sujets chrétiens étant mise en doute, ils sont alors considérés comme des agents potentiels de Rome. Chrétiens et Juifs sont donc persécutés, et de nombreux édits consacrent cette persécution : interdiction des pratiques des « fausses religions », adeptes soumis à une double taxation pour financer la guerre contre Rome, martyr et exécutions massives de chrétiens y compris parmi les proches de la cour. Le zoroastrisme est alors renforcé et unifié, le zèle religieux encouragé, l’Avesta est codifié et les hérésies dénoncées. Si les persécutions religieuses contre les chrétiens et l’instauration du Zoroastrisme avaient déjà débuté sous Bahram II à l’instigation notable du grand-prêtre Kartir très influent, cette ligne religieuse dure et les persécutions qui en résultent atteignent un paroxysme sous Shapur II.

L’imagerie royale se modifie sous Shapur II, la numismatique et le relief rupestre en témoignent clairement. Sur l’avers des monnaies, la classique titulature « qui vénère Mazda, le roi des rois d’Iran, issu des dieux » , issue de la tradition achéménide et témoignant d’une « filiation » dynastique soulignée par les sassanides tend à disparaître.. Le revers n’échappe pas à ces modifications : on note un amincissement du tronc de l’autel du feu, et surtout l’émergence d’un buste au sein de flammes, souvent considéré comme étant un buste mazdéen, mais également considéré par certains comme étant celui de Shapur II. A l’appui de cette hypothèse, les mentions par certains chroniqueurs classiques du culte rendu par Shapur à Mithra, divinité associée au feu, et la représentation rupestre de son relief d’investiture par Mithra à Taq-e Bostan. Les gardiens de l’autel évoluent également, le korymbos fréquemment vu sur la coiffe du personnage de droite identifie probablement le roi lui-même, l’autre étant tantôt le roi lui-même, tantôt une divinité. En outre, Shapur II modifie les poids et mesures de ses monnaies, les dinars se rapprochent alors des solidus romains. Ce fait, mis en parallèle avec l’usage fréquent de flans romains sur les monnaies de cuivre de Shapur II, laisse penser qu’il recours largement aux matériel monétaire issu des conquêtes.

Drachme d’argent de Shapur II, 4,2g pour 26,9 mm. Avers : Buste du roi à droite portant diadème à rubans flottants à la nuque et portant une couronne crénelée surmontée du korymbos, entouré d’un grènetis simple. Titulature en grande partie effacée à l’arrière du buste royal, le nom « Shapur » restant lisible à l’avant. Revers montrant au sein d’un grènetis simple un autel du feu enrubanné, à buste au sein des flammes entouré de deux personnages couronnés et tenant épée. Atelier illisible.

De même, l’art du relief rupestre, vecteur traditionnel de l’imagerie royale iranienne depuis des millénaires, va t’il subir quelques modifications : On doit à Shapur II 3 reliefs rupestres, dont 2 sont gravés en Fars, sur des sites emblématiques du pouvoir iranien et Sassanide : Naqsh-e Rostam et Bishapour.

Le relief de Naqsh-e Rostam est tellement dégradé qu’il est quasiment invisible : seul un œil exercé permet de discerner sur la roche une scène d’investiture similaire à celle gravée à Sarab-e Bahram par Bahram II : le roi est représenté de face, trônant, entouré de nobles courtisans. Il n’en reste qu’un vague souvenir dessinant les contours du roi, et d’un personnage.


Le relief de Bishapour VI est gravé dans un cadre rectangulaire. Peu marqué en profondeur, sa composition en 2 registres montre le roi trônant de face au centre entouré de personnages en rangs. La surface est intentionnellement rugueuse, permettant l’application de pigments multicolore maintenant disparus. D’un point de vue iconographique, il inaugure une imagerie jusque là jamais vue en Iran : Il s’agit d’une représentation violente et féroce d’une victoire ou de la répression d’une révolte, avec mise en scène intentionnelle de la cruauté. Par le passé, ce type de représentation avait surtout été le fait des assyriens, dont les reliefs et inscriptions détaillaient largement les sévices qu’ils infligeaient à leurs ennemis (voir la stèle dite « des vautours » de Suse, montrant le sac de la ville par Assurbanipal au musée du Louvre).


Le registre supérieur se divise an 3 parties. Au centre, trône le roi assis, tenant son sceptre d’une main et son épée de l’autre. Il est coiffé d’un diadème surmonté du korymbos. La partie gauche montre des nobles perses et courtisans lui témoignant de leur respect par le geste consacré, index recourbé en direction du souverain. La partie droite montre des soldats perses amenant des prisonniers. L’un d’entre eux est porté, blessé, tandis qu’un autre regarde ses gardes.


Le registre inférieur montre des soldats perses en rangs. Sur la partie gauche, un écuyer amène la monture du roi. Sur la partie droite, les soldats lui amènent des objets correspondant probablement à un butin, et, détail dramatiquement cruel, deux hommes présentent chacun une tête coupée, dont l’une porte encore un chapeau à tête d’animal, tandis qu’un enfant, probablement le fils d’une des victimes, implore l’un des hommes portant une tête, accentuant l’émotion et le sentiment de terreur suscités par la scène. L’interprétation de ce relief est controversée : certains pensent qu’il s’agit d’une victoire sur les Kushan, le butin pouvant accréditer cette version, tandis que d’autres y voient représentée la répression religieuse contre les chrétiens, s’appuyant sur l’aspect perse des prisonniers, et surtout, sur le bonnet animal que porte l’une des têtes présentées, signe possible de l’appartenance de la victime à la famille royale. L’un des neveux de Shapur II ayant été exécuté en raison de sa conversion au christianisme, il se pourrait que le roi ait représenté cette exécution pour faire savoir à tous qu’il est inflexible.


Le relief de Taq-e Bostan, inaugure ce site dans la province de Kermanshah, au Sud du Kurdistan antique. D’autres reliefs avaient déjà été gravés dans la région au temps des Lullubis (Sar-e pol), des Achéménides (Behistun), des Séleucides et Achéménides hellénisés (Behistun, Ravansar, Sar-e Pol), puis des Parthes (mêmes sites), mais aucun roi Sassanides n’y avait encore fait exécuter d’œuvre. Ce nouveau site hors du Fars témoigne de la volonté du roi d’étendre l’image royale hors du berceau dynastique. Shapur II y fait graver une scène d’investiture le représentant en compagnie de Mithra et d’Ahuramazda. le relief est secondairement modifié par l’ajout du gisant représentant le corps de Julien l’apostat, conférant à ce relief une iconographie de triomphe.


L’exécution du relief est de grande qualité, la statue étant bien marquée en volume, sans toutefois être nettement détachée de la surface. A la gauche, Mithra portant un diadème radié regarde l’investiture en tenant à deux mains le barsom, sort d’une fleur de lotus. Shapur II est représenté au centre, coiffé également d’un diadème, tenant son épée à l’arrière plan de la main gauche, tandis que sa main droite, à l’avant plan, saisit le cydaris, anneau de pouvoir enrubanné tendu par Ahuramazda à droite, coiffé de sa couronne crénelée et main gauche sur la hanche. Le roi et la divinité foulent le corps allongé de Julien l’apostat, vêtu à la romaine. A noter que certains auteurs attribuent ce relief à Ardéchir II.


Il semble que ce soit pendant le règne de Shapur II que l’imagerie royale Sassanide trouve de nouveaux supports : stucs des palais, et surtout pièces d’orfèvrerie de vaisselles. Ces dernières vont devenir le véritable instrument de communication de l’image royale, jusqu’à la fin de la dynastie Sassanide. D’abondantes trouvailles témoignent de l’essor de ces images à partir de cette époque, au point que le relief rupestre disparaisse rapidement après qu’un autre fût gravé par Shapur III à Taq-e Bostan, le représentant justement avec Shapur II. Il faudra attendre près de 3 siècles et le règne de Khosrow II pour que le support rupestre soit de nouveau et pour la dernière fois utilisé en Iran, encore à Taq-e Bostan, avant d’être redécouvert à l’époque moderne sous la dynastie Qajare.

FANTASTIQUE !!!